mercredi , 24 juillet 2024

Americanah

Auteur: Chimamanda Ngozi Adichie

Editeur: Folio – 2016 (704 pages)

Lu en août 2019

Mon avis: En ce jour d’été à Princeton, Ifemelu se trouve chez le coiffeur, et à un tournant de sa vie. Jeune Nigériane arrivée aux Etats-Unis treize ans plus tôt pour y faire ses études, elle a aujourd’hui décidé de rentrer au Nigeria. Pas nécessairement définitif, ce retour au pays fera d’elle une « Americanah », rentrant au bercail forte de son expérience à l’étranger pour se lancer dans les affaires ou dans la réalisation de ses rêves. Et peut-être pour renouer avec Obinze, son amour de jeunesse.
Assise chez le coiffeur, le cuir chevelu tiraillé par le tressage serré, elle se remémore ses années américaines et comment elle a pris conscience, en atterrissant aux USA, du fait qu’elle était Noire, avec pour corollaires le racisme et les difficultés d’intégration. Dèche financière, différences culturelles, fraternité bancale avec les Noirs américains, le rêve américain commence comme un cauchemar, mais Ifemelu ne se laisse pas abattre. Elle crée son blog et l’alimente d’articles et de réflexions explorant ces différents thèmes. Le succès se profile, les possibilités de travail et l’amour aussi. Et l’intégration, pour autant qu’on puisse parler d’intégration dans un pays où les Noirs sont encore et toujours considérés comme des citoyens de seconde zone.
Pendant qu’Ifemelu se débrouille en Amérique, Obinze, quant à lui, tente sa chance à Londres. Là aussi, les voies de l’obtention d’un titre de séjour s’avèrent difficilement pénétrables…
De retour à Lagos, Ifemelu doit se réadapter à un pays qui a évolué sans elle, mais qui n’a pas renoncé à ses ambitions et à ses rêves.

Portrait d’une jeune femme issue d’une classe sociale favorisée au Nigeria et qui perd tous ses repères lors de son émigration aux USA,ce pavé se lit tout seul, grâce à l’indéniable talent de conteuse de l’auteure. Avec fluidité, humour et ironie, la narratrice, à travers son expérience mouvementée, nous livre ses réflexions sur l’identité (cocassement mais pertinemment symbolisée par les choix capillaires), le racisme, les relations interraciales, l’intégration, le déracinement, l’ambition, les désillusions. Pas besoin de couper les cheveux en quatre pour comprendre que mondialisation ne rime pas avec uniformisation. Roman d’apprentissage et roman d’amour, « Americanah » est un texte engagé, dense et sincère, passionnant.

Présentation par l’éditeur:

« En descendant de l’avion à Lagos, j’ai eu l’impression d’avoir cessé d’être noire. »

Ifemelu quitte le Nigeria pour aller faire ses études à Philadelphie. Elle laisse derrière elle son grand amour, Obinze, éternel admirateur de l’Amérique, qui compte bien la rejoindre. Mais comment rester soi lorsqu’on change de pays, et lorsque la couleur de votre peau prend un sens et une importance que vous ne lui aviez jamais donnés ?

De son ton irrévérencieux, Chimamanda Ngozi Adichie fait valser le politiquement correct et nous offre une grande histoire d’amour, parcourant trois continents d’un pas vif et puissant.

Quelques citations:

– [A propos des migrants]:
Alexa, et les autres invités, peut-être même Georgina, comprenaient tous la fuite devant la guerre, devant la pauvreté qui broyait l’âme humaine, mais ils étaient incapables de comprendre le besoin d’échapper à la léthargie pesante du manque de choix. Ils ne comprenaient pas que des gens comme lui, qui avaient été bien nourris, n’avaient pas manqué d’eau, mais étaient englués dans l’insatisfaction, conditionnés depuis leur naissance à regarder ailleurs, éternellement convaincus que la vie véritable se déroulait dans cet ailleurs, étaient aujourd’hui prêts à commettre des actes dangereux, des actes illégaux, pour pouvoir partir, bien qu’aucun d’entre eux ne meure de faim, n’ait été violé, ou ne fuie des villages incendiés, simplement avide d’avoir le choix, avide de certitude. 

– Quand j’ai débuté dans l’immobilier, je voulais réhabiliter de vieilles maisons au lieu de les démolir, mais cela n’avait pas de sens. Les Nigérians n’achètent pas une maison parce qu’elle est vieille. Une grange rénovée de deux cents ans, par exemple, le genre de choses qui plaît aux Européens, cela ne marche pas du tout ici. Mais il y a une raison: nous appartenons au tiers-monde et sommes par conséquent tournés vers l’avenir, nous aimons ce qui est nouveau, parce que le meilleur est encore devant nous, tandis que pour les Occidentaux le meilleur appartient au passé et c’est pourquoi ils ont le culte du passé. 

Evaluation :

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2 commentaires

  1. Être citoyen du monde n’est pas un long fleuve tranquille ! Un excellent roman !