Auteur: Eugène Ionesco
Editeur: Folio – 1972 (150 pages)
Lu en novembre 2015
Mon avis: Cela fait quelques jours que je tourne autour de ces deux pièces de théâtre sans trop savoir comment en démarrer la chronique. Et puis ce matin, samedi 14 novembre 2015, je me suis réveillée au son de la radio et des infos du jour. La Belgique a battu l’Italie 3-1 en match amical à Bruxelles. A Paris, des bombes ont explosé aux abords du Stade de France. Des gens qui allaient au spectacle ont été tués. Quelqu’un s’assied à une terrasse et se prend une balle. J’comprends pas.
Le théâtre de Ionesco, c’est un peu ça : des répliques improbables, sans lien entre elles, enchaînées les unes après les autres. Absurde. Un défi à la compréhension. Je fais l’impasse sur « la Cantatrice chauve », dont je n’ai pas compris le message, à supposer qu’il y en ait un. J’en retiens seulement que ce texte m’a fait rire, et je vous dirais bien que cette pièce doit être vue plutôt que lue, mais j’aurais bien trop peur de vous envoyer à la mort en vous invitant au théâtre. « La leçon » est une pièce plus inquiétante : une jeune étudiante stupide prend sa leçon auprès d’un vieux professeur imbu de sa personne et qui, sous l’apparence d’un intellectuel de haut vol, masque à peine un pervers expert ès fumisteries. Ca finit mal, puisque l’un des deux assassine l’autre.
Difficile d’établir un parallèle avec les attentats de Paris, et ce n’est pas le but, sauf que, comme dans « La leçon », l’incompréhension, la bêtise et l’intolérance, bref, la connerie humaine, ont le pouvoir de provoquer des carnages. Et là, je repense aux caricatures de Mahomet : « c’est dur d’être aimé par des cons ». Sauf que, pardon, mais il ne s’agit pas (il ne peut pas s’agir!) d’amour, mais plutôt de rage. De la rage qui a germé dans le crâne de ces ravagés du cerveau, à la faveur d’interprétations totalement dévoyées du Coran. Parbleu, mais quel mot ne comprennent-ils pas dans la phrase « Ne tuez pas la personne humaine, car Allah l’a déclarée sacrée » (Coran, VI, 151) ? Ils se justifient (comment osent-ils même justifier leurs actes, ces barbares ?) en disant qu’ils vengent les victimes syriennes ou irakiennes des bombardements français. M’enfin, c’est moi à qui on ne dit jamais rien, ou bien le Talion n’est plus seulement une « loi » juive, émanant d’un peuple ennemi juré ? J’comprends rien. Et ils croient sérieusement, ces dingues, que c’est en nous massacrant dans une salle de concert ou à une table de restaurant qu’ils vont arranger leurs affaires? Incultes frustrés… Et qu’ils vont empêcher les survivants de continuer à vivre libres (je ne dis même pas « heureux », juste « libres ») ? Aberrant. Bande de tueurs haineux décérébrés, quand je pense que vous êtes sans doute ravis d’être morts en martyrs de je-ne-sais-quelle cause… Vous seriez ridicules si ce n’était pas aussi tragique.
Le rapport avec Ionesco, Messieurs les excités de l’arme lourde, à supposer que vous ayez jamais entendu ce nom ? Aucun. Ou plutôt si : je n’ai rien contre l’absurde, moi, quand il me fait rire et ne blesse personne. Autant dire que je ne suis pas près d’ « apprécier » votre sens de la « mise en scène ».
En bref : touchez pas à la liberté, p… de b… de m…
Présentation par l’éditeur:
Qu’importe que la cantatrice soit chauve puisqu’elle n’existe pas ! Dans cette petite « anti-pièce », première oeuvre dramatique de Ionesco, il n’est fait référence que deux fois à la cantatrice chauve, personnage dont on ne sait rien et qui n’apparaît jamais. Il s’agit bien là d’un Nouveau Théâtre, celui qui donne naissance à des pièces sans héros, sans sacro-sainte division en actes, sans action, sans intrigue, avec en guise de dénouement la quasi-répétition du début, et dont les traditionnelles retrouvailles sont remplacées par une parodie de reconnaissance d’une invraisemblance ahurissante. Les personnages, tout droit sortis d’un manuel de langue, ne s’expriment que par clichés, disent une chose pour aussitôt affirmer son contraire, trouvent une jubilation idiote à employer proverbes et maximes tout en les pervertissant sans même s’en apercevoir… Cependant, très vite, le langage s' »autonomise », se libère de toute contrainte, et l’on assiste avec plaisir au divorce du sens et du verbe. Il en résulte un petit chef-d’oeuvre comique, traité sur l’absurde, variation sur la bêtise et paradoxalement éloge du pouvoir du langage.
Quelques citations:
– « Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux! »
« – Un médecin consciencieux doit mourir avec le malade s’ils ne peuvent guérir ensemble. Le commandant d’un bateau périt avec le bateau, dans les vagues. Il ne lui survit pas.
– On ne peut comparer un malade à un bateau.
– Pourquoi pas? Le bateau a aussi ses maladies; d’ailleurs ton docteur est aussi sain qu’un vaisseau; voilà pourquoi encore il devait périr en même temps que le malade comme le docteur et son bateau.
– Ah! Je n’y avais pas pensé… C’est peut-être juste… et alors, quelle conclusion en tires-tu?
– C’est que tous les docteurs ne sont que des charlatans. Et tous les malades aussi. Seule la marine est honnête en Angleterre. »