Auteur: Horacio Castellanos Moya
Éditeur: Métailié (Suites) – 6 mai 2021 (156 pages)
Lu en mai 2021
Mon avis: Ceci n’est pas un nouveau livre de Horacio Castellanos Moya, mais une nouvelle traduction de « La diabla en el espejo« , connu jusqu’ici en français sous le titre de « La mort d’Olga María« .
Comme toujours avec Moya, il est question du Salvador et de sa violence perpétuelle. Ici, c’est Olga María qui en a fait les frais : cette jeune femme d’environ 30 ans a été froidement abattue d’une balle dans la tête, chez elle, devant ses enfants, sans motif apparent.
C’est par l’intermédiaire de Laura, sa meilleure amie, que nous ne tarderons pas à découvrir les rebondissements de l’enquête en même temps que la vie sentimentale mouvementée d’Olga María. Car Laura est une amie fidèle, mais une incorrigible bavarde et colporteuse de ragots, naïve et hystérique tendance paranoïaque, et elle ne se prive pas d’étaler les confidences d’Olga María dans un long monologue, ou plutôt dans un dialogue à une seule voix, dans lequel elle s’adresse à une interlocutrice anonyme.
D’abord incrédule et convaincue de la pureté de son amie (« Une tragédie pareille, ce n’est pas possible, ma belle« ), cette adorable cruche de Laura découvre, en même temps que le lecteur, les secrets plus ou moins honteux d’Olga María, et en arrive à soupçonner tour à tour les amants de celle-ci, son mari, son beau-père, etc…, et à échafauder les théories les plus alambiquées, du mobile passionnel à la vengeance politico-économico-financière en passant par la corruption et le narcotrafic. Et comme entretemps l’assassin a été arrêté mais s’est échappé de prison sans avoir révélé l’identité du commanditaire, Laura se sent en danger, parce qu’elle se dit qu’avec toute sa sagacité elle pourrait bien avoir mis le doigt sur une vérité nauséabonde…
Comme toujours avec Moya, ce roman est en lien avec d’autres titres de cette « comédie inhumaine » de la famille Aragón, mais il peut parfaitement se lire indépendamment des autres. On y retrouve fugacement le Robocop de « L’homme en arme« , et surtout le même type de monologue emporté et virulent du « Dégoût – Thomas Bernhard à San Salvador« .
Comme souvent avec cet auteur, la lecture est jouissive, le texte est corrosif et dézingue cette fois particulièrement la bourgeoisie salvadorienne des années 90, foncièrement hypocrite et infréquentable sous son apparence de respectabilité. C’est terriblement triste pour le Salvador et cette pauvre Laura (et je n’en finis pas de me demander qui est la diablesse du titre), mais c’est un pur régal pour les inconditionnels de Moya.
En partenariat avec les Editions Métailié.
Présentation par l’éditeur:
Au début des années 90 à San Salvador, Olga María Trabanino est froidement assassinée d’une balle dans la tête. Qui peut donc avoir voulu la mort de cette jeune femme apparemment sans histoires ? Au fil de l’enquête, sa meilleure amie, Laura, cancanière, hystérique et jalouse, découvre incrédule tout ce qu’elle lui avait caché : son passé, ses fréquentations, ses vices… Le portrait qui se dessine alors est celui de la bourgeoisie tout entière, qui abrite ses turpitudes et sa corruption sous le masque impavide de la respectabilité.
Le jour où l’assassin s’évade de prison, elle voit le piège se refermer sur elle.
Avec cette intrigue menée d’une plume haletante, l’auteur poursuit sa radiographie au vitriol de la société latino-américaine, gangrenée par les luttes politiques et le trafic de drogue.
Sex and the City vu par Thomas Bernhard.