Auteur: Giuseppe Santoliquido
Editeur: La Renaissance du livre – 2012 (240 pages)
Lu en novembre 2021
Mon avis: Bruxelles, an de grâce 1932. Fernando Gasparri, médecin d’origine italienne installé depuis longtemps en Belgique, va bientôt devoir faire le choix d’une vie. Une vie jusque là faite de routine et de petits tracas, entre ses patients du quartier de la rue de la Tulipe à Ixelles et la rédaction d’une synthèse sur les dangers du sulfure de carbone sur la santé, entre les soins à sa sœur invalide et les visites au cimetière sur la tombe de son épouse adorée. En dehors du train-train quotidien, le Docteur Gasparri, la cinquantaine, catholique pratiquant, ne s’intéresse pas le moins du monde à la politique, ne veut rien en savoir, en entendre ni en lire. Beaucoup par naïveté, un peu par lâcheté ou égoïsme, il ignore tout des événements qui secouent pourtant sérieusement le pays à cette époque. Les grèves ouvrières, réprimées brutalement par le patronat et la police, s’entremêlent à la montée du fascisme en Europe, qui amène en Belgique des opposants italiens, espagnols ou yougoslaves, surveillés de très près par les autorités belges.
Malgré tous ses efforts pour la maintenir à distance, cette réalité vraie va s’inviter dans la bulle du Docteur Gasparri. Celui-ci s’est en effet pris d’affection pour les Guareschi, un jeune couple d’immigrés italiens originaires de la même région que lui, et dont la situation est devenue précaire en raison de la maladie et du chômage. A leurs ennuis financiers s’ajoute désormais un autre péril : Oreste, le frère de Madame Guareschi, vient de débarquer à Bruxelles après avoir fui l’Italie fasciste. Repéré par la police belge, sa présence présumée subversive met en danger les Guareschi, qui risquent l’expulsion vers l’Italie. Le Docteur Gasparri est appelé à la rescousse, et le gouffre d’un terrible dilemme s’ouvre devant ses pieds.
Le roman est divisé en cinq chapitres, les cinq jours de l’audition du Docteur par la police. Cinq jours pendant lesquels il retrace la chronologie des événements qui l’ont amené à cette audition. Entre les descriptions purement factuelles on entrevoit également ses questionnements : suivre son propre cœur ou les idées d’un autre, sauver un individu en particulier mais entraver une grande cause, un petit geste courageux ou une grande lâcheté, ou l’inverse, l’aveuglement au monde pour préserver sa propre paix, ou l’éveil de la conscience politique avec obligation de choisir un camp.
Sur le thème de la responsabilité individuelle à l’heure de la montée de l’extrême droite pendant l’entre-deux-guerres, « L’audition du Docteur Fernando Gasparri » est un roman très intéressant et très bien écrit, qui met en lumière les événements d’une époque que je connaissais très mal, et qui, surtout, décrit avec beaucoup de finesse le questionnement existentiel et le cheminement moral d’un homme soudain forcé de choisir entre devenir un salaud ou un héros, un choix aux conséquences lourdes, quel qu’il soit.
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Présentation par l’éditeur:
Bruxelles, été 1932. Alors que des mouvements de grève mettent le pays sens dessus dessous, le docteur Fernando Gasparri reçoit les Guareschi, un couple de jeunes exilés originaires de la même région que lui en Italie.
Entre le médecin et ses patients, des trajectoires analogues et des souvenirs communs tissent des liens affectifs. Jusqu’au jour où débarque Oreste, le frère cadet de Madame Guareschi, qui a fui l’Italie fasciste dans des circonstances troubles.
Dès lors, la destinée du paisible docteur Gasparri s’engage sur des rails aléatoires. Il se trouve amené, bien malgré lui, à sonder sa conscience. Et à agir, à faire des choix. Jusqu’au dernier, essentiel.
L’audition du docteur Fernando Gasparri voit s’entremêler les questionnements d’un homme entre deux âges, et ceux d’une époque secouée par la montée de l’extrémisme, les troubles sociaux, la peur de l’altérité. Tous deux, l’homme et son temps, vont être amenés à choisir. Et du choix de l’un dépendra le sort de l’autre.