Auteur: Bernard Tirtiaux
Editeur: Folio – 1995 (400 pages)
Lu en janvier 2016
Mon avis: « […] Il est venu le temps des cathédrales, le monde est entré dans un nouveau millénaire.
L’homme a voulu monter vers les étoiles, écrire son histoire dans le verre ou dans la pierre […] »
Si l’histoire de Nivard de Chassepierre se déroule quelques décennies avant le début de la construction de Notre-Dame de Paris et la période de l’architecture gothique où les flèches des cathédrales voulaient toucher le ciel, elle raconte cependant le voyage initiatique d’un personnage (de fiction) qui avait décidé de consacrer sa vie à maîtriser toujours mieux la lumière, le verre et les couleurs pour en faire des oeuvres éternelles à la gloire de Dieu.
Or donc, en cet an de grâce 1113, dans la cité de Huy sur les bords de Meuse, le jeune Nivard est en apprentissage auprès d’un maître-orfèvre. Issu d’une famille de la petite noblesse, orphelin depuis que son père a été tué lors d’une Croisade, et que sa mère, devenue veuve, et chassée du domaine par sa belle-famille, est morte dans le déshonneur, l’adolescent se révèle très talentueux, mais son âme rebelle et révoltée ne le laisse pas en paix. Cherchant à fuir sa part d’ombre, il est choisi par d’anciens compagnons de son père, et se voit entraîné dans une quête de Lumière par Rosal de Sainte-Croix, qui lui demande d’ « apprendre le vitrail et en faire une prière, pour qu’il soit la coiffe de l’édifice sacré et non la décoration factice et sans âme des lieux de culte ». Rosal l’architecte, qui rêve de lever « une armée de constructeurs pour atteindre le ciel avec ses pierres, y ménager des trouées vers la Lumière », a besoin « de l’alliance d’un verrier, un artisan audacieux et capable, prêt à se risquer dans un pari immense, qui appelle des siècles et des milliers de vies ». Nivard sera cet artisan, cet artiste, et se donnera corps et âme pour tenter de domestiquer le verre et les couleurs, poursuivant son apprentissage en Orient et aux quatre coins d’Europe jusqu’à la fin de sa vie.
On peut reprocher à ce roman son style trop lyrique, parfois pompeux, exalté, à l’image de Nivard, personnage complexe, tourmenté, tête brûlée contenant à grand-peine sa violence, à la limite du caricatural. On peut aussi rester sceptique devant tous ces drames terribles qui traversent la vie d’un seul homme, devant tous ces rebondissements et coïncidences un peu artificiels. Mais on ressent le feu qui anime Nivard, sa passion du métier et son entêtement dans la recherche de la perfection absolue, qui nous sont transmis par la plume de l’auteur, lui-même maître-verrier, ceci expliquant cela…
Et puis, même si ce roman a été écrit vers 1992 et nous parle du 12ème siècle, on ne peut s’empêcher de penser que cette quête, ce besoin de lumière, au sens premier du terme mais surtout au sens de « connaissance » et de « savoir », est encore d’actualité à l’heure où l’obscurantisme des islamistes radicaux fait plonger le Moyen-Orient dans les ténèbres…
Le passeur de lumière est un roman qui ne tient pas toutes les promesses qu’augurait son si beau titre, mais qui donne envie d’aller contempler les vitraux des cathédrales.
Faites passer les livres, faites passer la lumière…
#LisezVousLeBelge
Présentation par l’éditeur:
«La lumière est diffuse», dit Rosal de Sainte-Croix au jeune Nivard de Chassepierre. «Elle est fugace, changeante, capricieuse. Elle a toutes les ruses. Jamais tu ne seras satisfait de ton ouvrage, si beau soit-il. Jamais tu n’auras assez de couleurs dans tes casiers pour donner vie à un vitrail comme tu le souhaites, jamais tu n’auras la certitude de colorer juste comme on chante juste. Qu’importe ! Tes pas partent du feu et tu dois atteindre le feu, devenir un maître en ton art.»
Nivard ne déçut pas le chevalier qui attendait de lui la plus vertigineuse escalade jamais rêvée vers la lumière. Animé par une passion presque charnelle pour le verre et ses sortilèges, il récolte d’Orient en Occident les couleurs alchimiques de nos cathédrales. Il œuvre en Bavière, à Saint-Denis, au Mans, à Chartres…
La quête déchirée de ce «passeur de lumière» sera alors celle d’un artisan sublime, funambule oscillant entre le ciel et l’ombre…
Vilaine tentatrice !!! 😉
😉
Ma foi, si c’est la passion du métier qui a guidé la main de l’auteur, c’est un bel hommage à ces artistes-là.