mardi , 25 juin 2024

Le temps d’un visage

Auteure: Ruth Ozeki

Editeur: Belfond – 11 avril 2024 (128 pages)

Lu en avril 2024

Mon avis: Inspirée par l’exercice qu’une professeure d’histoire de l’art propose à ses étudiants (observer un tableau pendant trois heures), Ruth Ozeki a décidé de s’asseoir face à un miroir et d’étudier son propre visage pendant trois heures.

Cette expérience intime et contemplative, sans narcissisme ni complaisance, fait remonter des souvenirs à la surface, liés à son identité multiple. Car Ruth Ozeki est née aux USA d’un père américain, chrétien conservateur, et d’une mère japonaise, bouddhiste zen, dix ans après la fin de la deuxième guerre mondiale et l’humiliation du Japon. Depuis l’enfance, son visage reflète ce mélange des origines, ce qui lui a valu des réactions diverses, de l’innocente curiosité au racisme.

Avec beaucoup d’humanité et de sérénité, et une pointe d’humour, Ruth Ozeki s’interroge dans ce très beau texte méditatif sur le regard, la transmission, l’humanité et le temps qui passe.

Une expérience qui amène Ruth Ozeki à moins d’exigence, et davantage de bienveillance, envers elle-même. Une expérience à tenter par chacun.e?

« Mon visage est à la fois moi et pas moi. Il me plaît. Il y a beaucoup de monde dedans. Mes parents, mes grands-parents, et toute la chaîne des générations qui se sont succédé au fil du temps depuis mes premiers ancêtres – tout ce processus d’itération est là, dans mon visage, comme aussi toutes les personnes qui ont un jour posé le regard sur moi. L’ombre et la lumière sont là également, les joies, les angoisses, les peines, la vanité, les rires. Le soleil, la pluie, le vent, les coups de manche à balai et les grilles en fer forgé qui ont marqué mon visage de rides, de cicatrices, de plis – tout est là. »

En partenariat avec les Editions Belfond via Netgalley.

#RuthOzeki #NetGalleyFrance

Présentation par l’éditeur:

Après « En même temps, toute la terre et tout le ciel », Grand Prix des lycéennes de Elle, et « Le Fardeau tranquille des choses », lauréat du Women’s Prize for Fiction, Ruth Ozeki poursuit son œuvre fascinante, qui emprunte autant à la poésie, à la philosophie zen qu’à l’école japonaise du I Novel, pour nous offrir un texte intime, inspirant et puissamment réconfortant.

Transposant un exercice proposé par un professeur d’histoire de l’art à ses étudiants face à un tableau, Ruth Ozeki est devenue sa propre œuvre d’art. Elle a ainsi décidé de passer trois heures devant un miroir à étudier son visage.

De cette contemplation vont remonter toutes sortes d’émotions et de souvenirs.

Car tout en elle est mixte : les traits de son visage hérités de sa mère japonaise et de son père américain ; le bouddhisme zen transmis par ses ancêtres maternels mêlé à la rigueur des Jumpers de sa famille paternelle, une secte chrétienne conservatrice ; le regard porté sur elle dès l’enfance, tantôt d’une bienveillante curiosité, tantôt hostile et raciste ; sa culture, ses expériences de vie…

Ruth Ozeki observe le temps sur son visage. Et voit se dessiner derrière les premiers signes de l’âge l’esquisse d’un temps universel, paradoxal, qui n’appartient qu’à nous et nous situe pourtant au cœur de l’humanité.

Quelques citations:

– Y a-t-il un moment où une femme est officiellement assez vieille pour ne plus se soucier de son apparence?

– Par le passé, la tonte était une humiliation que les femmes subissaient en public. Un châtiment pour celles que l’on accusait d’avoir mené une vie facile. Les fous, les prisonniers et les indigents étaient tondus. Et aujourd’hui, la perte des cheveux pour une femme n’est associée qu’à une chose: le cancer. Est-il pertinent de s’afficher le crâne volontairement rasé devant des patients en chimiothérapie qui, eux, n’ont pas eu le choix? Se pose aussi la question du genre. Pour les hommes, se raser la tête est une chose normale, voire à la mode. Les hommes sont moins attachés à leurs cheveux que les femmes – ou leurs cheveux sont moins attachés à eux. Chez la femme, en revanche, les cheveux sont un facteur d’identité, central dans la perception que cette dernière a d’elle-même…

– [Conversation de l’auteure avec sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer:]
« Je ne peux absolument rien faire contre, m’a-t-elle alors répondu. S’il y avait quelque chose à faire et que je ne le faisais pas, j’aurais des raisons d’être triste ou démoralisée. Mais là… »
Elle a haussé les épaules.
« Donc, tu l’acceptes? »
Elle m’a regardée, avec patience.
« Puisque je n’ai pas le choix, a-t-elle dit, alors autant être heureuse. »

Evaluation :

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