Auteur: Philippe Vinard
Editeur: Yovana – 7 mai 2019 (243 pages)
Lu en mai 2019
Mon avis: Kampuchéa démocratique : nom officiel donné au Cambodge entre 1975 et 1979, période au cours de laquelle sévit le régime sanguinaire des Khmers Rouges.
République populaire du Kampuchéa : nom officiel donné au Cambodge pendant les dix années suivantes, de l’invasion du pays par le Vietnam et de la chute des Khmers Rouges précités, jusqu’à la fin de l’occupation vietnamienne et l’instauration d’un processus de transition démocratique.
Les chroniques ici présentées concernent la période 1985-87, pendant laquelle l’auteur fut l’un des rares humanitaires français autorisés à résider au Cambodge. En ce temps-là, le pays est occupé par les Vietnamiens et subit encore la guérilla des Khmers Rouges. Il croule surtout sous le poids d’une bureaucratie communiste autoritaire, c’est-à-dire absurde et inefficace. Dans ce contexte de violence et de paranoïa, les paroles et les mouvements sont épiés, et si les expatriés sont davantage épargnés que les Cambodgiens, leur liberté de circuler dans le pays et même dans Phnom Penh est largement entravée, la moindre sortie devant être chaperonnée par un « guide accompagnateur ».
Au fil des chapitres, qui sont autant d’aspects différents de la vie quotidienne, Philippe Vinard parle des tracasseries administratives abyssales qui bloquent l’action des organisations humanitaires, de la nébuleuse d’ONG, de conseillers, de diplomates et de fonctionnaires en tous genres et de tout grade qui interviennent (lire : qui négocient, qui marchandent ou qui se laissent corrompre) dans le processus de (non-)décision. Kafka s’y serait perdu, moi aussi d’ailleurs tant c’est décrit de manière abstraite. Là où j’ai trouvé ça beaucoup plus intéressant, c’est lorsqu’on parle de l’humain. Les expats qui vivent en vase clos dans leur hôtel, obligés d’entretenir entre eux une certaine bienveillance de surface pour éviter tout conflit, mais surtout les Cambodgiens, à peine remis des massacres et des purges khmers, contraints à une cohabitation avec les tortionnaires qui ont changé de camp au bon moment et qui se retrouvent au pouvoir. Beaucoup rêvent d’exil, peu osent tenter le coup et se contentent des bouts d’Occident qu’ils obtiennent en toute discrétion via les étrangers : BD de Tintin, romans français, montures de lunettes… Parfois certains disparaissent puis reviennent, ou pas.
Tranches de vie d’un pays traumatisé encore en proie à la violence, au secret et au mensonge, ces chroniques sont très instructives et, dans l’ensemble, touchantes. On y ressent l’attachement sincère de l’auteur à ce pays et surtout à ses habitants.
En partenariat avec les Editions Yovana via Netgalley.
Présentation par l’éditeur:
Heng, le guide qui cachait mal son double jeu; Sven, l’humanitaire qui n’aimait pas les enfants; Saem et Soun, les deux facettes du fonctionnaire communiste; Monsieur le Doyen et sa mystérieuse princesse; le Médecin Général des Armées cherchant une sirène dans les eaux du Mékong…
Au Kampuchéa, on le découvre bien vite, la traditionnelle Sirène Dorée du palais royal cohabite avec les sirènes communistes des lendemains qui chantent, avec leurs cousines capitalistes qui attirent la population vers la société de consommation, et bien sûr avec la sirène hurlante qui sonne les alertes.
Ces personnages réels et fantasmés peuplèrent l’univers quotidien du narrateur qui fut l’un des cinq humanitaires français autorisés à résider au Kampuchéa entre 1985 et 1987. Ses récits se déroulent dans une société marquée par la guérilla des Khmers rouges, par les absurdités d’un régime communiste bancal et par le poids de l’occupation vietnamienne. Dans ce contexte violent et mouvant, les Cambodgiens comme les rares expatriés développent une surprenante capacité de résilience.
Au fil des drames et des scandales, derrière l’ironie et le grotesque, se dégage un propos profondément humain sur une page méconnue de l’histoire contemporaine.
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