jeudi , 25 avril 2024

Texte-à-moi #5: Quelques notes

Ce matin-là, j’étais stressée, j’avais une réunion de travail importante à 9 heures, et j’allais être en retard. J’étais plantée devant la garde-robe débordante, dont le contenu ne m’inspirait pas.

Je n’arrivais pas à réfléchir ni à décider ce que j’allais mettre, et plus le temps passait, plus je m’énervais et plus je restais bloquée.

Le radio-réveil était allumé, diffusant les nouvelles du jour que je n’écoutais pas. Je regardais sans le voir le contenu de la penderie, imaginant vaguement les reproches de mes collègues de travail quand ils me verraient arriver, en retard et impréparée pour la réunion.

Puis, tout à coup, je me rendis compte que le silence régnait dans la chambre. J’ai regardé la radio, pensant qu’il y avait une panne de courant. Mais les chiffres lumineux étaient toujours affichés sur l’écran. J’étais en train de me dire qu’il y avait un problème d’émetteur quelque part, quand j’entendis un léger crissement, suivi d’une note de musique ténue d’abord, qui enfla peu à peu dans un lent crescendo. Je compris alors que, pour une raison quelconque, grève ou problème technique, l’émission habituelle du matin avait été remplacée par un programme de musique classique.

Pendant ce temps, d’autres notes puis d’autres accords avaient pris la place de la note de départ, camouflant le son du frottement de l’aiguille sur le 33 tours.

C’était une tonalité mineure, mélancolique, jouée uniquement par les instruments à vent de l’orchestre. Après quelques mesures d’introduction, la vague des violons reflua, sans doute pour laisser la place à un autre instrument, un solo de hautbois ou de flûte, c’était plausible.

Mais c’est un chœur qui prit la relève, articulant des paroles que je ne compris pas. Sur les voix graves et consolantes des basses, se posa la voix cristalline d’une mezzo, et le monde s’arrêta de tourner. Un rempart d’insensibilité se fissura quelque part. Je m’assis sur mon lit face à la garde-robe, transpercée par la pureté du timbre, désarmée par tant de beauté.

C’était si simple et évident, immatériel, et tellement important.

Il n’y aurait pas de réunion ce matin, je ne serais pas en retard, je ne partirais pas au boulot ; j’écouterais la musique et le reste n’existerait pas.

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2 commentaires

  1. Très beau ! Quelle belle évocation du pouvoir de la musique 🙂