Auteur: Virgilio Piñera
Editeur: Métailié (suites) – 1999 (252 pages)
Lu en décembre 2018
Mon avis: Virgilio Piñera (1912-1979) est un écrivain cubain, à la fois poète, romancier, nouvelliste, auteur de théâtre et d’essais, et traducteur. Vivant à Buenos Aires (où il a rencontré Borges) depuis 1946, il rentre à Cuba en 1958, quelques mois avant la Révolution qui renverse Batista. D’abord favorable au régime castriste, il connaît un certain succès, mais sera censuré dès 1961, en raison de son homosexualité et de sa prise de distance par rapport à la politique cubaine. Il meurt dans la solitude en 1979.
Les 46 « contes froids » de ce recueil (de 1 à 25 pages pour le plus long) ont pour point commun d’être absurdes, empreints d’une logique irrationnelle dépourvue de toute forme de sentiments, où les problèmes sont résolus de manière pragmatique mais horrifique. Par exemple « La viande« , dans laquelle les habitants d’un village touché par la famine solutionnent la crise en mangeant chacun leur propre chair ; ou « Durant l’insomnie« , pendant laquelle un homme, ne trouvant pas le sommeil, se suicide au petit matin : « Quoi de plus tenace que l’insomnie ?« . Rien n’est normal, tout est étrange, mais paradoxalement tout semble faire partie du quotidien le plus terre à terre et apparaît parfaitement banal.
C’est tellement absurde et surréaliste que ça en devient parfois burlesque, toujours ironique, on frôle la satire politique dans certains contes (« Le combat« , « Monsieur le Ministre« , « Le grand escalier du Palais de justice« ). Ceux-ci, narrés sans fioritures, sont certainement des modèles du genre, mais je les ai peu appréciés, restant plutôt hermétique à cet univers. Une lecture qui m’a donc laissée plutôt… froide.
Présentation par l’éditeur:
Sous ce titre sont regroupés des récits dont certains avaient paru en France en 1971 et toute une série de textes restés inédits en français.
Contes brefs qui nous confrontent à un des univers les plus étranges qu’il nous ait été donné de lire. Les conduites apparemment les plus banales y sont prises en charge par une logique folle qui les fait déboucher sur des issues à la fois surréelles, absurdes et grinçantes. Ainsi, la famine mène à l’autodévoration, l’alpinisme et ses « légers » accidents au morcellement total des corps, la minutieuse description d’un album prend une éternité, et l’insomnie trouve sa seule solution dans le suicide.
Il y a, dans ces syllogismes glacés, une dérision proche de celle de Buster Keaton, ou, pour citer un des amis et complices de Piñera, un rire noir et sournois proche de celui de Gombrowicz. Paradoxalement, on pourrait dire que ce Cubain appartient au grand courant ricanant et désespéré qui, de Kafka à Schulz, a marqué la littérature européenne de l’Est en ce siècle.