Auteur: Mohamed Mbougar Sarr
Editeur: Philippe Rey – 2018 (191 pages) ou Le Livre de Poche – 2021 (192 pages)
Lu en août 2022
Mon avis: Ndéné Gueye est un jeune professeur de littérature française à l’université de Dakar. Formé en France, il est rentré au pays plein d’enthousiasme et d’idées pour dépoussiérer l’enseignement de la littérature. Mais aujourd’hui, au bout de quelques années à peine, découragé par l’inertie de ses collègues et le désintérêt de ses étudiants, il est à deux doigts d’être totalement blasé.
Un jour, dans cette morosité heureusement embrasée par les rendez-vous avec Rama, sa vibrante amante, il visionne une vidéo, déjà virale à travers le pays, qui montre une foule d’hommes exaltés occupés à déterrer un cadavre et à le traîner ensuite pour le laisser pourrir hors du cimetière. Le cadavre est celui d’un jeune homme, dont on dit qu’il est « goór-jigéen », c’est-à-dire un « homme-femme » en wolof, autrement dit un homosexuel, et plus largement toute personne dont l’identité sexuelle n’est pas dans la « norme » hétérosexuelle. Et à ce titre, ce jeune homme est indigne de reposer dans un cimetière musulman.
Imprégné de préjugés, de ses culture et traditions, fils d’un imam orthodoxe, Ndéné ne voit tout d’abord rien d’incompréhensible à cette sorte de lynchage post-mortem. Puis, peu à peu, sans que lui-même comprenne bien pourquoi, cette vidéo lui revient en tête, l’interroge, l’obsède, le révolte, et le pousse à se renseigner sur ce jeune homme, son histoire, sa famille, en même temps qu’il prend réellement conscience de la situation critique des homosexuels au Sénégal.
Au même moment, il prend connaissance, avec retard, d’une note du ministère de l’Education interdisant d’aborder les œuvres d’auteurs homosexuels, alors qu’il venait tout juste de donner un cours sur Verlaine. Comme il refuse de s’en excuser, il est suspendu par le doyen de la Faculté.
Il n’en faut pas davantage pour faire naître les soupçons et les rumeurs sur l’orientation sexuelle réelle de Ndéné…
Roman incandescent, cruel et révoltant, « De purs hommes » parle du rejet des góor-jigéens et de l’opprobre jeté sur leur famille, dans un Sénégal gorgé de croyances intégristes, selon lesquelles l’homosexualité n’existe pas dans ce pays mais y a été apportée par la propagande européenne. Il parle d’ignorance crasse, d’inculture, d’intolérance, et de l’hypocrisie d’une société religieuse et moraliste côté face, avide de sexe côté pile.
Un roman très sensuel, puissant, à la fois plein de colère et de compassion, sur la difficulté, dans un tel contexte, de choisir entre sa communauté et sa conscience, et plus largement, sur les questions essentielles, existentielles, de l’identité, de la liberté d’être soi-même et du courage de s’assumer tel que l’on est.
Présentation par l’éditeur:
Ndéné se met à la recherche du passé de cet homme. Autour de lui, dans le milieu universitaire comme au sein de sa propre famille, les suspicions et les rumeurs naissent…
Un roman bouleversant sur la seule grande question qui vaille aux yeux de son héros : comment trouver le courage d’être pleinement soi, sans se trahir ni se mentir, et quel qu’en soit le prix ?