Auteur: Fiston Mwanza Mujila
Éditeur: Métailié – 10 septembre 2020 (220 pages)
Lu en septembre 2020
Mon avis: Il y a une trentaine d’années, la République Démocratique du Congo s’appelait encore Zaïre et étouffait toujours sous la dictature – certes faiblissante – de Mobutu. Le parvis de la Poste à Lubumbashi est le repaire des gamins des rues, orphelins ou fugueurs fatigués des contraintes de la vie familiale. A eux la liberté, faite de bagarres, de petite délinquance et de voyages délirants dans les vapeurs de colle. A eux les rêves de richesse, qui les poussent parfois jusqu’en Angola, où la guerre civile et le trafic de diamants font rage. Et malheur à celui qui échoue : comme Sanza à Lubumbashi, il pourrait bien être recruté par les cruels services de renseignements pour espionner les opposants politiques. Ou comme Molakisi à Lunda Norte en Angola, il pourrait bien perdre sa vie à la risquer dans les mines ou dans les rivières à la recherche de la précieuse pierre, en dépit de la protection de Tshiamuena, la madone des mines, vieillarde loufoque de 200 ans qui hurle et tempête et affabule pour régenter son royaume d’orpailleurs miséreux.
De chaque côté de la frontière, une cour des miracles joue sa survie au quotidien. Entre les deux, Franz, un improbable écrivain autrichien venu écrire un roman sur les gendarmes katangais, se voit prié d’écrire les mémoires de Tshiamuena. Cherchant l’inspiration jusqu’à Lubumbashi, il atterrit à la boîte de nuit « le Mambo de la fête », où tous ces petits mondes se retrouvent sur la piste pour la Danse du Vilain, une rumba endiablée, pour tout oublier, avant de recommencer.
« […] ils dansent
jusqu’à se briser l’épine dorsale
la danse du vilain
la danse de ceux qui méprisent l’argent
jettent l’argent par la porte
jettent l’argent par la fenêtre
par les latrines
et les égouts
des gamins, des gamins,
ils dansent et dansent
la merveilleuse danse du vilain ».
Dans une langue riche et inventive, avec des personnages hauts en couleurs et versatiles, l’auteur nous emmène à la rencontre de destins dans lesquels le chaos est l’ordinaire et où la nécessité fait loi. Roman baroque et fiévreux, teinté de réalisme magique, « La Danse du Vilain » nous fait virevolter, dans une ambiance de fin de règne, entre Zaïre et Angola, entre dictature et guerre civile, entre corruption et rébellion, entre ruée vers le diamant souvent calamiteuse et sens de la débrouille défiant toute morale. Un roman un peu trop exubérant à mon goût et, même si cela ne gêne pas trop la lecture, j’aurais aimé avoir davantage de repères pour éclairer le contexte historico-politique.
En partenariat avec les Éditions Métailié.
Présentation par l’éditeur:
Entre trafic de pierres précieuses et boîtes de nuit frénétiques, entre l’Angola en pleine guerre civile et un Zaïre au bord de l’explosion, une exploration de la débrouille.
Toute la vitalité et le charme de Tram 83 reviennent en force avec la langue inimitable de Fiston Mwanza Mujila.
Sanza, exaspéré par la vie familiale, quitte ses parents et rejoint le Parvis de la Poste, où vivent d’autres gamins de la rue. Commence la dolce vita, larcins petits et grands, ciné avec Ngungi l’enfant-sorcier et voyages en avion vers l’infra-monde… Mais les bagarres et les séances de colle finissent par le mettre vraiment sur la paille et l’obligent à céder au mystérieux Monsieur Guillaume et à sa police secrète.
Lubumbashi est en plein chaos, on conspire dans tous les coins, on prend des trains pour nulle part, on se précipite dans l’Angola en guerre pour aller traquer le diamant sous la protection de la Madone des mines de Cafunfu, un écrivain autrichien se balade avec une valise pleine de phrases, le Congo devient Zaïre et le jeune Molakisi archevêque. Mais la nuit, tous se retrouvent au « Mambo de la fête », là se croisent tous ceux qui aiment boire et danser ou veulent montrer leur réussite et leur richesse. Là on se lance à corps perdu dans la Danse du Vilain.
On retrouve avec bonheur le punch poétique et l’univers échevelé de Fiston Mwanza Mujila, son humour tendre, ses personnages retors, son bazar urbain, on part s’encanailler dans la joie.