Auteur: Jenni Fagan
Editeur: Métailié – 11 février 2022 (352 pages)
Lu en janvier 2022
Mon avis: 1910. Jessie, 21 ans, arrive dans le port d’Edimbourg sur une petite embarcation pour le moins étrange : un cercueil. Celui que son père, le Diable en personne, a fabriqué pour elle. Encore bien vivante, Jessie doit se rendre dans un immeuble de neuf étages, l’un des plus hauts de la ville, appartenant à l’un des hommes les plus riches, les plus influents et les plus corrompus de cette même ville. Tellement riche qu’il a acheté Jessie à son père pour en faire la mère porteuse de l’enfant qu’il ne peut pas avoir avec son épouse stérile. Au début tout fonctionne comme prévu, un enfant naît, mais bien vite (le Diable n’est pas que dans les détails), les choses tournent au cauchemar et le drame survient. Avec pour conséquence une malédiction lancée pour l’éternité contre l’immeuble et ses habitants.
Voilà pour le point de départ, relativement clair. Pour la suite, cela s’est révélé plus chaotique.
La structure du roman joue sur les chiffres 3 et 9 : trois parties de neuf chapitres chacune ; dans chaque partie une série de trois personnages principaux qu’on suit en alternance et vivant chacun à un étage différent de l’immeuble. Donc au total neuf personnages évoluant (aussi) à neuf époques différentes comprises entre 1910 et 1999. Un lien avec le nombre 666, celui du Diable ? Peut-être.
Les personnages n’ont pas de vrai lien entre eux, ils ne se connaissent pas réellement, se sont tout au plus croisés, ou sont au courant qu’untel a habité à tel étage à telle époque et qu’il lui est arrivé ceci ou cela. Un point commun à la plupart d’entre eux cependant : ils sont victimes de quelqu’un ou de quelque chose : du racisme, de l’homophobie, du sexisme, d’un gang, de la précarité ou plus généralement des préjugés de la société bien pensante. Enfin je crois. Parce qu’on débarque dans la vie de chacun d’eux comme on arriverait au milieu d’une conversation mystérieuse sans qu’on nous en explique les tenants et aboutissants. Donc il faut deviner pour essayer de comprendre de quoi il retourne, et on s’accroche notamment aux repères chronologiques, mais ça reste un peu opaque. Sinon, il y a des scènes très violentes, du sexe, de la drogue, du spiritisme, de la poésie (William S. Burroughs est l’un des personnages), une atmosphère de fin du monde dans la dernière partie, une critique du capitalisme et une autre du patriarcat, ainsi, me semble-t-il, qu’un portrait peu amène de la ville d’Edimbourg et de son hypocrisie bourgeoise (mais là je manque de repères historiques et je n’ai sans doute pas tout capté). On comprend aussi que l’immeuble se déglingue au fil du temps, que le propriétaire ne fait rien pour le maintenir habitable et qu’il devient un taudis menaçant de s’écrouler à l’aube de l’an 2000. Est-ce là la métaphore ou l’annonce de l’effondrement d’un monde oppresseur et décervelé ? Allez savoir.
Je ressors donc de cette lecture avec l’impression d’un roman fourre-tout, décousu et fantastico-baroque, qui tire tous azimuts et qui empile les histoires sans leur donner une cohésion d’ensemble. Le style est lassant à force de phrases courtes, hachées, rarement structurées sujet-verbe-complément, comme si la forme avait plus d’importance que le fond. Je pense que l’auteure a voulu rendre hommage au courage des opprimés de tous bords, principalement aux femmes. L’intention est louable mais pour moi le résultat, trop moralisateur, n’est pas à la hauteur de l’ambition. Une grosse déception après « Les buveurs de lumière » que j’avais adoré il y a quelques années.
En partenariat avec les Editions Métailié.
#LaFilleduDiable
Présentation par l’éditeur:
1910. Une jeune femme arrive au port d’Édimbourg. Elle est à bord d’une petite embarcation, elle rame sur un cercueil. Elle porte un bonnet qui cache deux petites cornes étincelantes. Elle doit se rendre au no10 de l’allée Luckenbooth où se dresse l’un des plus hauts immeubles de la ville. Son père l’a vendue au propriétaire, l’un des hommes les plus riches de la ville, pour porter son enfant car sa femme est stérile. Mais rien ne se passera comme prévu et l’immeuble et ses habitants subiront les conséquences d’une malédiction pendant cent ans.
Avec puissance et profondeur, Jenni Fagan nous raconte la vie d’un immeuble, d’une ville et du XXe siècle du point de vue des outsiders qui y ont vécu, étage par étage, décennie après décennie. Un roman unique, noir et exubérant où les oubliés sont au cœur de l’Histoire, à la croisée des excès du capitalisme et des revirements de l’amour et du désir.
Alternant grands événements et détails infimes, étonnants et merveilleux, nous suivons un taxidermiste obsédé par la création d’un squelette de sirène, une médium sexagénaire au sommet de son art, la chef d’un gang en guerre contre les triades hong-kongaises, un mineur au chômage allergique à la lumière, une espionne fascinée par les aviatrices, des femmes brisées ou battantes, une ourse polaire et la fille du Diable en personne.
Ce roman est un hommage au pouvoir de l’imagination, au courage des survivants et à la force vitale de l’art narratif. Une Vie mode d’emploi en version punk et féministe, un Immeuble Yacoubian fantastique, repaire de fantômes, poètes et sorcières. Un livre unique et étincelant.