Auteur: Mia Couto
Editeur: Métailié – 2 septembre 2022 (352 pages)
Lu en octobre 2022
Mon avis: En 2019, le narrateur, poète de son état, se rend à Beira, sa ville natale, quelques jours avant l’arrivée d’un cyclone dévastateur. Sa visite dans cette ville côtière du Mozambique est surtout le prétexte à des retrouvailles avec son enfance et son adolescence dans les années 70. Cette période a été bien sombre dans l’histoire du Mozambique, et en l’occurrence, c’est l’année 1973 qui a été cruciale pour le narrateur et son père. A cette époque, le pays est encore une colonie portugaise, et la terrible police politique (la PIDE) du dictateur Salazar veille au grain. Le père du narrateur, poète et journaliste, engagé auprès des indépendantistes, est arrêté par la PIDE, après le massacre de prétendus « terroristes » noirs, perpétré par l’armée coloniale.
Le roman est construit sur d’incessants allers et retours passé/présent, entre le récit des rencontres du narrateur avec les survivants de l’époque, et la reconstitution du passé, grâce à une caisse de documents qui lui ont été confiés à son arrivée à Beira par la petite-fille de l’inspecteur de la PIDE qui a jadis arrêté son père. Tel un puzzle, le passé reprend forme, à mesure que le narrateur épluche les documents. Des rapports de police, des lettres de son père, de sa mère, de sa grand-mère et d’une série d’autres protagonistes des événements de 1973, et même son propre journal intime d’adolescent, autant de feuillets qui font resurgir les péripéties de l’époque et ceux qui les ont vécues, Blancs, Noirs, bourreaux, victimes, oppresseurs ou opposants, désormais absents pour la plupart.
Un drame intime qui s’inscrit dans la grande Histoire du Mozambique, celle d’un colonialisme brutal, du racisme, des luttes pour l’indépendance, de la répression et de la guerre civile, toutes féroces et cruelles, de la mesquinerie et la bêtise humaines.
Inspiré de l’histoire personnelle de l’auteur et de son père, « Le cartographe des absences » est un roman sombre, puissant, poétique, teinté de réalisme magique. Avec un brin d’humour, beaucoup de souffle et d’élégance, il convoque les fantômes et les traumatismes du passé, ceux d’un homme et d’un pays.
En partenariat avec les Editions Métailié.
Présentation par l’éditeur:
En 2019, un cyclone a entièrement détruit la ville de Beira sur la côte du Mozambique.
Un poète est invité par l’université de la ville quelques jours avant la catastrophe. Il retrouve son enfance et son adolescence dans ces rues où il a vécu dans les années 70. Il va faire un voyage “vers le centre de son âme” et y trouver son père, un grand poète engagé dans la lutte contre la colonisation portugaise. Il se souvient des voyages sur le lieu de terribles massacres perpétrés par les troupes coloniales. Il se souvient aussi de Benedito, le petit serviteur, aujourd’hui dirigeant du FRELIMO au pouvoir, de l’inspecteur de la police politique, des amoureux qui se sont suicidés parce que leur différence de couleur de peau était inacceptable, de la puissante Maniara, sorcière et photographe, et surtout de Sandro, son frère caché.
Les faits que l’enfant qu’il fut nous raconte sont terribles, le racisme, la bêtise coloniale, la police politique, la PIDE, les traîtrises.
Ce roman au souffle puissant peuplé de personnages extraordinaires à l’intrigue aussi rigoureuse que surprenante est écrit comme la poésie, que Mia Couto définit comme “une façon de regarder le monde et de comprendre ce qui habite une dimension invisible de ce qu’on nomme la réalité. Sans cette dimension poétique il est impossible de comprendre la vie”.
Un roman magnifique, dans l’ombre d’un cataclysme, le plus personnel écrit par l’auteur, l’un de ses meilleurs.
Je le lis bientôt pour le mois africain
Un très bon cru! Bonne lecture!