Auteur: Stefan Zweig
Editeur: Le Livre de Poche – 1992 (128 pages)
Lu en juillet 2013
Mon avis: Début du 20ème siècle, dans une pension de la Côte d’Azur, un événement fait scandale : Madame Henriette, mère et épouse dévouée, fidèle et sérieuse, s’est enfuie au bras d’un jeune galant rencontré la veille. Le débat fait rage parmi les pensionnaires, et réveille des souvenirs douloureux chez Mrs C., digne vieille dame anglaise. Après bien des hésitations, elle se confie à l’un des résidents, jeune homme de bonne famille, qui a semblé comprendre le comportement de Madame Henriette.
Mrs C. lui/nous livre alors le récit des 24 heures qui bouleversèrent sa vie bien des années auparavant, elle qui à l’époque avait fait une croix sur l’idée même de toute effusion sentimentale après son veuvage précoce vers 40 ans. C’était sans compter sur la tempête déclenchée par sa rencontre dans un casino avec un jeune homme dévoré par la passion du jeu. Mrs C., fascinée par son comportement mais comprenant qu’il court à sa perte, essaiera envers et contre tout de remettre cette âme en peine sur le chemin de la vertu.
Ce que ces heures ont généré de tourments et de passions, de doutes, de questions et d’orgueil ravalé, est décrit à la perfection par l’auteur, fin portraitiste. Cette analyse, faite par un homme, de la psychologie féminine est d’une justesse étourdissante. Ce récit est émouvant, magnifique, dans un style un peu désuet mais charmant, et nous renvoie en pleine face la question intemporelle de savoir ce qu’est une vie réussie. Celle où l’on suit son coeur et son instinct, ou la raison et ses conventions ? La réponse peut sembler évidente, mais si seulement c’était aussi simple… En fin de compte, n’est-ce pas la peur qui guide nos choix ? L’angoisse de l’insécurité, matérielle ou affective, ancrée au plus profond, ne nous empêche-t-elle pas de vivre vraiment ? « Rêver nos désirs et vivre des ainsi soit-il », comme dirait mon ami JJG ? Tout ça par peur de souffrir, d’être seul, d’être regardé de travers,…
Selon qu’on a plus ou moins de courage, on choisira les remords ou les regrets…
Présentation par l’éditeur:
Scandale dans une pension de famille « comme il faut », sur la Côte d’Azur du début du siècle : Mme Henriette, la femme d’un des clients, s’est enfuie avec un jeune homme qui pourtant n’avait passé là qu’une journée. Seul le narrateur tente de comprendre cette « créature sans moralité », avec l’aide inattendue d’une vieille dame anglaise très distinguée, qui lui expliquera quels feux mal éteints cette aventure a ranimés chez elle. Ce récit d’une passion foudroyante, bref et aigu comme les affectionnait l’auteur d’Amok et du Joueur d’échecs, est une de ses plus incontestables réussites.
Quelques citations:
– éMais songez que ces événements s’étaient abattus sur moi comme la foudre: je n’avais guère senti autre chose qu’un coup brusque, un coup unique, qui m’avait étourdie. Mais maintenant, brutalement sortie de ce tumulte, je voulais encore une fois revivre, pour en jouir rétrospectivement, bribe par bribe, ces émotions fugitives, grâce à cette façon magique de se tromper soi-même que nous appelons le souvenir… »
– « Cinq fois, dix fois, j’avais déjà réuni toutes mes forces et j’étais allée vers lui, mais toujours la pudeur me ramenait en arrière, ou peut-être cet instinct, ce pressentiment profond qui nous indique que ceux qui tombent, entraînent souvent dans leur chute ceux qui se portent à leur secours. »
Une écriture sublime… J’ai adoré ce roman.
J’aime beaucoup cet auteur !