jeudi , 3 octobre 2024

Comme un seul homme

Auteur: Daniel Magariel 

Editeur: Fayard – 22 août 2018 (192 pages)

Lu en septembre 2018

Mon avis: Comme un seul homme, ils ont gagné la guerre. Comme sur la couverture du livre, l’homme et ses deux ombres, la tête et les jambes, le père et ses deux fils ont remporté la bataille du divorce contre une épouse et mère fainéante et alcoolique, indigne. Avec de grands mots tels que « solidarité » et « loyauté », le père convainc ses deux garçons, 12 et 14 ans, de larguer les amarres du Kansas pour commencer une vie – meilleure, évidemment – au Nouveau Mexique. Un nouveau départ après des années de galère à supporter cette femme nuisible, que peut-on rêver de mieux ? Et pourtant, dès le début, le père, sous ses airs de super-héros, apparaît éminemment antipathique et sournois. Et pourtant, on ne connaîtra jamais les prénoms des personnages. Avouez qu’en matière de convivialité, on peut mieux faire. Et donc, malgré la grandeur du projet, la décadence a tôt fait de s’installer. Le père n’est pas seulement un rebutant bon à rien, mais s’avère être un sale type manipulateur, pervers narcissique et escroc, qui maintient ses fils sous son emprise à coup de chantage affectif, voire en les dressant l’un contre l’autre si nécessaire. Les gamins cernent bien vite la situation, y compris le fait que l’odeur de ses cigares nauséabonds ne sert qu’à en masquer une autre, bien plus addictive et coûteuse. Face à l’instabilité et aux mensonges de leur père, les garçons sont assez démunis, isolés malgré eux dans ce triangle infernal. Une solidarité fraternelle très forte (pourtant soumise à rude épreuve) leur permet de résister en douceur à ce père de plus en plus monstrueux, mais la tension ne cesse de monter et la catastrophe semble imminente.

Pouf pouf pouf, en voilà un huis-clos étouffant, un personnage de père pathologiquement toxique comme je n’en ai jamais lu jusqu’ici, et deux gamins qui comprennent que tout part en vrille mais qui n’ont que peu de moyens d’arrêter la spirale. Une mère qui renonce, un père qui s’entête dans ses délires, deux frangins qui font le gros dos en attendant une éventuelle sortie de crise, le scénario est simple et dramatique. Raconté par le plus jeune des fils, le récit est froid, sec, presque détaché, une carapace de protection contre l’innommable. Court et enlevé, ce roman d’une descente aux enfers est d’une rare noirceur. Dommage que l’épilogue tombe à plat. On comprend bien le contraste que l’auteur a voulu montrer entre le début du rêve et la fin du cauchemar, mais ça ne colle pas. Peut-être manque-t-il un prologue pour faire contre-poids…

En partenariat avec les Editions Fayard via Netgalley.

Présentation par l’éditeur:

Le combat fut âpre. Mais, ensemble, le narrateur, un garçon de douze ans, son frère aîné et leur père ont gagné la guerre – c’est ainsi que le père désigne la procédure de divorce et la lutte féroce pour la garde de ses fils. Ensemble, ils prennent la route, quittant le Kansas pour Albuquerque, et un nouveau départ. Unis, libres, conquérants, filant vers le Nouveau-Mexique, terre promise, ils dessinent les contours de leur vie à trois.
Les garçons vont à l’école, jouent dans l’équipe de basket, se font des amis, tandis que leur père vaque à ses affaires dans leur appartement de la banlieue d’Albuquerque.  Et fume, de plus en plus  – des cigares bon marché, pour couvrir d’autres odeurs. Bientôt, ce sont les nuits sans sommeil, les apparitions spectrales d’un père brumeux, les visites nocturnes de types louches. Les garçons observent la métamorphose de leur père, au comportement chaque jour plus erratique et violent. Livrés à eux-mêmes, ils n’ont d’autre choix que d’endosser de lourdes responsabilités pour contrer la défection de leurs parents, et de faire front face à ce père autrefois adulé désormais méconnaissable, et terriblement dangereux.
Daniel Magariel livre un récit déchirant, éblouissant de justesse et de délicatesse sur deux frères unis dans la pire des adversités, brutalement arrachés à l’âge tendre. Deux frères qui doivent apprendre à survivre et à se construire auprès d’un père extraordinairement toxique, au milieu des décombres d’une famille brisée.

Evaluation :

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