jeudi , 25 juillet 2024

La casse

Auteure: Eugenia Almeida

Editeur: Métailié – 5 avril 2024 (208 pages)

Lu en mars 2024

Mon avis: N’espérez pas cerner l’intrigue de ce roman dès ses premières pages, ni même ses premiers chapitres, d’autant qu’ils sont très courts.

Eugenia Almeida ne s’embarrasse pas de préliminaires, de mises en contexte, de descriptions ou de portraits de personnages, elle nous plante directement au cœur de l’action, et c’est au lecteur qu’il appartient de reconstituer peu à peu, au fil des dialogues, de quoi il retourne exactement. Cela prend un certain temps, parce qu’il faut tisser les liens entre les nombreux personnages, déduire le rôle de chacun et ce qui s’est passé entre eux pour comprendre l’enchaînement d’actions-réactions des uns et des autres. Il est question, dans une ville anonyme d’Argentine, d’un trafic de voitures volées géré depuis une casse de banlieue et de deux jeunes idiots qui ont cru pouvoir faire cavalier seul à la marge de l’organisation et qui ont payé chèrement leurs velléités d’indépendance.

Ce qui ressemble à un règlement de compte quelconque entre petites frappes est en réalité un fameux dérapage qui met en danger l’autorité jusque là incontestable du chef des trafiquants précités. La chute de ce premier domino (mais est-ce vraiment le premier?) entraîne une cascade de violence et de mort, et l’onde de choc se propage à tous les niveaux de pouvoir de la ville, depuis les truands des quartiers malfamés aux bureaux des hommes politiques en passant par le commissariat central.

Eugenia Almeida nous montre alors comment tout ce beau monde tente de maintenir l’équilibre puis, une fois qu’il est trop tard, de ramener la couverture à soi, dans une surenchère de feu et de sang.

On s’y perd parfois, tout n’est pas expliqué ni résolu, mais la construction de ce récit est diaboliquement maîtrisée. Le texte est fait presque exclusivement de dialogues, des phrases courtes et sèches qui rendent le rythme effréné et la tension palpable. Et, malgré cette concision de style, Almeida réussit à donner de l’épaisseur psychologique à ses personnages et à dresser un portrait sociologique crédible (et donc peu reluisant) d’une ville (d’un pays?) infiltrée à tous les niveaux par les organisations mafieuses et gangrenée par la corruption.

En partenariat avec les Editions Métailié.

Présentation par l’éditeur:

« Deux petits cons qui se bourrent la gueule et qui tout à coup ont envie de foutre la merde. Comme ça, pour rien. Et qui tuent. Qu’est-ce que tu voulais que je fasse ? Moi, je n’ai fait que te protéger. » Et il a tué les gamins.
À partir de là, c’est tout l’équilibre de la ville qui est remis en question. Des voyous aux mafieux, des flics aux politiques, tous sont liés dans cette stabilité délabrée et fragile où chacun tente de vivre.
Avec une habileté incroyable dans la construction romanesque, Eugenia Almeida nous montre les désirs et les frustrations, les destins brisés, les vies multiples de ce qu’on appelle une ville. Elle nous fait entendre des personnages complexes, attachants et contradictoires, dont nous ne connaîtrons que la voix. Son art maîtrisé de la tension et la richesse de son style font de ce grand roman noir une radiographie des zones et des âmes les plus sombres de l’Argentine.
Un roman qui cogne avec la force fulgurante d’un boxeur et l’élégance d’une danse.

Evaluation :

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