jeudi , 16 mai 2024

Je suis un écrivain frustré

Auteur: José Angel Mañas

Editeur: Métailié (Suites) – 1998 (161 pages)

Lu en décembre 2021

Mon avis: L’écrivain frustré du titre, c’est J., narrateur. Professeur de lettres à l’université de Madrid et critique littéraire reconnu, il rêve de passer de l’autre côté de la barrière et de devenir un écrivain célèbre. Mais, comme le dit le titre, il n’y arrive pas, la pression de la page blanche l’empêche d’aligner plus de deux phrases dignes d’intérêt.

Une frustration d’autant plus grande que Mozart, l’un de ses collègues et ami (pour combien de temps encore…) publie, quant à lui, des succès littéraires à la chaîne, et, vexation ultime, file le parfait amour avec Carmen, la belle que J. a toujours convoitée.

Pour évacuer son ressentiment, J. ne se prive pas de se montrer odieux avec Ana, sa fiancée de consolation, avec ses collègues et ses étudiants, ou de noyer son amertume dans l’alcool avec Marta, une autre de ses collègues, la seule personne qui semble trouver grâce (malgré qu’elle soit très laide) à ses yeux.

Une vie d’aigreurs et de mépris, donc, jusqu’au jour où Marian, l’une des étudiantes insignifiantes de J., lui confie son manuscrit, pour avis. Dès les premières pages, J. comprend qu’il tient là un chef-d’œuvre. LE chef-d’œuvre qui ferait de lui l’écrivain de l’année, du siècle, celui qui enverrait ce cher Mozart aux oubliettes de l’histoire littéraire et ses livres au pilon. L’occasion rêvée d’assouvir les frustrations d’une vie et d’enfin exister. J. est incapable de résister à cette tentation et décide de s’approprier le roman. Et par conséquent de se débarrasser de Marian…

« Je suis un écrivain frustré » est un thriller psychologique qui met en scène un personnage sociopathe, arrogant, immoral, égoïste, violent, machiavélique, pathétique, en un mot : ignoble. On ne peut que le détester et le mépriser autant qu’il méprise lui-même le reste de l’humanité. Paranoïaque, il glisse de plus en plus dans la folie (le succès lui monte littéralement à la tête) et dans l’horreur dans son comportement avec Marian. Un texte efficace, rapide, cruel, drôle (si si), cynique vis-à-vis du monde de l’édition, et peu flatteur à l’égard des femmes, qui ne seraient attirées que par le succès, l’argent ou le sexe. Cette lecture est par moments éprouvante, mais s’avère une plongée fascinante dans un esprit sérieusement détraqué.

Présentation par l’éditeur:

Un professeur d’université, critique littéraire célèbre, écrivain sans succès, fait du lecteur le confident épouvanté, prisonnier de la logique criminelle.

Mañas garde un difficile équilibre entre l’horreur, le pathétique, le grotesque et l’humour. Il écrit un psychothriller ironique et féroce sur le monde de la littérature et de l’édition.

Un roman d’une efficacité redoutable qui trouve sa force dans un rythme trépidant.

Evaluation :

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