samedi , 18 mai 2024

Des larmes sous la pluie

Auteur: Rosa Montero

Éditeur: Métailié – 2013 (416 pages)

Lu en juillet 2020

Mon avis: Quatre ans, trois mois et vingt-sept jours. C’est le temps qu’il reste à vivre à Bruna Husky. Enfin, si tout va bien.

En ce jour de janvier 2109 à Madrid, cette réplicante de combat (ou techno-humaine, ou androïde) met sans le savoir les doigts dans un engrenage dangereux. Une vague de folie meurtrière semble s’être emparée de certains réplicants, qui s’attaquent aux humains et déclenchent ainsi peur, représailles, racisme (ou spécisme). Bruna, détective privé, est chargée d’enquêter sur ces meurtres : ces réplicants ont-ils décidé de se venger de l’espèce humaine qui les a créés et qui les asservit, ou au contraire sont-ils manipulés, poussés à tuer pour susciter une répression féroce et, in fine, leur extermination ?

Dans ce monde high-tech où les réplicants sont fabriqués pour naître vers 25 ans et mourir une dizaine d’années plus tard dans les affres d’une TTT (tumeur totale techno), où, pour qu’ils se distinguent tout de même de simples robots, des mémoristes leur implantent de faux souvenirs d’enfance mais de vraies émotions, il est bien difficile de savoir où est la vérité, à qui faire confiance, et surtout, de savoir qui on est.

La science-fiction n’est pas ma tasse de thé, mais comme ici l’auteure est Rosa Montero, que j’apprécie beaucoup, j’ai décidé d’y goûter quand même. Je dois avouer que l’enquête en tant que telle ne m’a pas captivée plus que ça. Par contre, malgré quelques longueurs, j’ai trouvé que l’univers créé était très cohérent et vraisemblable, et malheureusement pas aussi fictionnel qu’on voudrait le croire. En tout cas, ce qui est bien réel et qui tend à l’universel (au sens premier du terme, d’ailleurs, puisqu’on dépasse ici les confins de la Terre), c’est le questionnement qui en ressort, comme toujours chez Rosa Montero : la vie, la mort, l’humanité, l’amour, le temps qui passe. Qu’est-ce qui fait l’humanité de notre espèce, pourquoi veut-on vivre et à quel prix, quel sens donner à la vie ? Que sont les souvenirs: la vérité ou sa reconstruction plus ou moins altérée ? Nous font-ils avancer ou sont-ils un frein, et qu’est-ce que la liberté ? Questions vertigineuses…

Quatre ans, trois mois et vingt-sept jours. Un peu plus, un peu moins. Mais le compte à rebours ne s’arrêtera pas…

Présentation par l’éditeur:

États Unis de la Terre 2109, les réplicants meurent dans des crises de folie meurtrière tandis qu’une main anonyme corrige les Archives Centrales de la Terre pour réécrire l’histoire de l’humanité et la rendre manipulable. Bruna Husky, une réplicante guerrière, seule et inadaptée, décide de comprendre ce qui se passe et mène une enquête à la fois sur les meurtres et sur elle-même, sur le mémoriste qui a créé les souvenirs qu’elle porte en elle et qui la rapprochent des humains. Aux prises avec le compte à rebours de sa mort programmée, elle n’a d’alliés que marginaux ou aliens, les seuls encore capables de raison et de tendresse dans ce tourbillon répressif de vertige paranoïaque.

Rosa Montero choisit un avenir lointain pour nous parler de ce qui fait notre humanité, notre mémoire et notre identité, la certitude de notre mort et de celle de ceux que nous aimons. Ses personnages sont des survivants qui s’accrochent à la morale politique, à l’éthique individuelle, à l’amitié et à l’amour. Elle construit pour nous un futur cohérent, une intrigue vertigineuse et prenante pour nous parler de notre mort et de l’usage que nous faisons du temps qui nous est imparti. Elle écrit avec passion et humour, les outils essentiels pour comprendre le monde.

Une citation:

– Cuncta fessa, murmura l’archiviste.
– Quoi ?
– Octave Auguste est devenu le premier empereur romain parce que la République lui avait octroyé d’immenses pouvoirs. Et pourquoi la République avait-elle fait ça ? Pourquoi s’est-elle suicidée pour céder la place à l’Empire ? Tacite l’explique ainsi : Cuncta fessa. Ce qui veut dire : Tout le monde est fatigué. La fatigue face à l’insécurité politique et sociale est ce qui a conduit Rome à perdre ses droits et ses libertés. La peur provoque une faim d’autoritarisme chez les gens. C’est un très mauvais conseiller, la peur. Et maintenant regarde autour de nous, Bruna : tout le monde est effrayé. Nous vivons des moments critiques. Peut-être que notre système démocratique est lui aussi sur le point de se suicider. Parfois, les peuples décident de se jeter dans l’abîme.

Evaluation :

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