Auteur: Christy Lefteri
Editeur: Seuil – 6 mai 2022 (368 pages)
Lu en avril 2022
Mon avis: Chypre, 2016. Voilà neuf ans que la jeune Nisha, d’origine sri-lankaise, a été engagée comme nounou par Petra. Celle-ci venait d’accoucher, quelques semaines après le décès de son mari, elle était seule, déprimée, dépassée par la situation.
A l’époque, Nisha, comme beaucoup de jeunes femmes du sud-est asiatique, avait tout quitté dans l’espoir de gagner sa vie dignement ailleurs, et de subvenir aux besoins de sa famille restée au pays.
A Chypre, Nisha est plutôt bien tombée, elle travaille sans relâche six jours par semaine, mais Petra la traite aussi correctement qu’on peut traiter une domestique. Et puis, il y a Yannis, le locataire qui occupe le premier étage de la maison, qui vit secrètement du braconnage d’oiseaux pour le compte d’un dangereux réseau de trafiquants, et qui est fou amoureux de Nisha.
Pourtant un jour, celle-ci se volatilise, en laissant derrière elle son passeport et d’autres choses précieuses à ses yeux. Petra signale la disparition de Nisha à la police, qui ne donne aucune suite. Petra et Yannis comprennent vite qu’ils ne pourront compter que sur eux-mêmes, et se lancent dans leur propre enquête.
Facile à lire et plein de bons sentiments, « Les oiseaux chanteurs » est cependant un roman un peu léger et mou à mon goût. Le thème m’intéressait pourtant, je n’avais encore rien lu sur la migration économique (et légale) de ces jeunes femmes asiatiques exploitées (y compris sexuellement pour les plus malchanceuses) par de riches employeurs européens et les agences de placement (qui leur garantissent un travail en Europe moyennant une caution faramineuse qu’elles mettront des années à rembourser). Mais je reste sur ma faim, le sujet est traité avec candeur et simplisme, en restant à la surface des choses. L’idée d’établir le parallèle avec le braconnage n’est pas mauvaise : ces esclaves modernes et les oiseaux sont des innocents pris dans des pièges qui rapportent gros à d’autres, et ils ne peuvent en sortir que par la mort ou avec une aide extérieure (plutôt rare). Mais cela m’a semblé artificiel, édifiant et « facile » : exploiter les travailleurs, c’est mal, exploiter la Nature, c’est mal.
Quant aux personnages, ils ne sont pas très incarnés, ni cernés psychologiquement. Celui de Petra est caricatural et/ou peu crédible : ce n’est que quand Nisha disparaît que Petra semble se rendre compte (après presque dix ans!) de son existence et de son importance, et qu’elle s’étonne que sa propre fille soit plus proche de sa nounou que d’elle-même. Je me demande encore si elle s’inquiétait réellement du sort de Nisha en tant qu’être humain, ou si elle paniquait seulement à l’idée de devoir faire le ménage et élever sa fille elle-même. Quant à Yannis, son locataire depuis deux ans et qui habite juste au-dessus, elle le connaît à peine, n’a jamais soupçonné sa relation avec Nisha, ni son activité de braconnage (alors qu’il possède plusieurs frigos industriels et remplit des sacs poubelles entiers de plumes d’oiseaux).
Au final, c’est un peu long, un peu lent, un peu larmoyant, et l’enquête est résolue en quelques paragraphes. La lecture est fluide et pas désagréable, et l’intention de départ était louable, mais je trouve que le résultat manque de profondeur et de révolte.
En partenariat avec les Editions du Seuil via une opération Masse Critique privilégiée de Babelio.
Présentation par l’éditeur:
Chypre, 2016. Petra Loizides est inquiète, la nourrice de sa fille s’est évaporée sans laisser de trace. Yiannis, le locataire qui occupe le premier étage de sa maison, est lui aussi bouleversé : se serait-elle enfuie suite à sa demande en mariage la veille ? Mais la jeune sri-lankaise a laissé derrière elle son passeport et la mèche de cheveux de sa propre fille restée au pays.
Petra signale sa disparition à la police mais celle-ci ne réagit pas. Impuissant, Yiannis continue de son côté ses activités illégales : ruiné par la crise de 2008, il vit du braconnage des oiseaux, prisonnier d’un réseau mafieux puissant et dangereux.
Ensemble, Petra et Yiannis vont enquêter auprès de nombreuses femmes invisibles comme Nisha et découvrir la facette sombre d’un pays gangréné par la corruption et les trafics en tous genres.