lundi , 18 mars 2024

Femmes en colère

Auteur: Mathieu Menegaux

Éditeur: Grasset – 3 mars 2021 (198 pages)

Lu en avril 2021

Mon avis: 20 ans de réclusion, c’est la peine requise par le Procureur de la République aux Assises de Rennes en ce beau jour de juin 2020. Mathilde, agressée trois ans plus tôt par deux hommes, est l’accusée, les deux hommes en question sont sur le banc des parties civiles en tant que victimes. Le monde à l’envers ? C’est le nœud du problème : Mathilde, par ailleurs mère et médecin bien sous tous rapports, s’est fait justice elle-même, convaincue que ni la police ni la machine judiciaire ne feraient leur travail.

L’heure du délibéré a sonné, et pendant que les jurés se retirent à huis clos pour décider de la culpabilité ou non et de la peine éventuelle, Mathilde se morfond dans une cellule du Palais de justice. Pour tromper l’attente et son angoisse, elle couche son ressenti sur le papier. Dans la salle du délibéré, un jury composé de trois magistrats et six jurés non professionnels tirés au sort (quatre hommes et cinq femmes) entament les débats. Mathilde a reconnu les faits, certes, encore faut-il qualifier ceux-ci, s’accorder sur leur nature, et déterminer la peine qui leur correspond. Juger en âme et conscience, selon son intime conviction, sur base des faits et rien que des faits, en faisant abstraction de l’émotion planétaire suscitée par cette affaire sur-médiatisée qui a déchaîné les passions et les réseaux sociaux, la mission est délicate et ne laissera personne indemne.

Dans la foulée du mouvement #metoo, ce roman développe toute la gamme des points de vue, des plus tranchés aux plus nuancés, montre les luttes d’influences au sein du jury, la pression médiatique et les réputations à perdre ou à gagner pour les professionnels de la justice, la difficulté de séparer l’affect et le factuel, oppose les émotions individuelles à la froideur du Code pénal. Faut-il préserver le droit et la morale et infliger une peine exemplaire ? Ou faut-il laisser parler la compassion au risque de valider la vengeance personnelle et la loi du talion et donc d’entériner l’échec de l’institution judiciaire ? Mais surtout : pourquoi en est-on encore là ? Pourquoi la voix des femmes victimes de violences n’est-elle pas davantage écoutée ? Pourquoi est-il si compliqué pour une femme d’affirmer qu’elle aime le sexe ? Pourquoi certains hommes ne comprennent-ils pas que « non, c’est non » et pas autre chose ? Pourquoi la liberté et la peur sont-elles si mal réparties entre hommes et femmes ?

Le déroulement du délibéré est expliqué de façon limpide, le suspense est savamment distillé, le texte se lit d’une traite et le twist final m’a fait sourire. Mais malgré la libération progressive de la parole et des corps, ce roman montre que l’égalité n’est pas acquise, et que les femmes n’ont pas fini d’être en colère.

En partenariat avec les Editions Grasset via Netgalley.

#Femmesencolère #NetGalleyFrance

Présentation par l’éditeur:

Cour d’Assises de Rennes, juin 2020, fin des débats (auxquels le lecteur n’a pas assisté) : le président invite les jurés à se retirer pour rejoindre la salle des délibérations. Ils tiennent entre leurs mains le sort d’une femme, Mathilde Collignon. Qu’a-t-elle fait ? Doit-on se fier à ce que nous apprennent les délibérations à huis-clos, ou à ce que révèle le journal que rédige la prévenue qui attend le prononcé du jugement ?
Accusée de s’être vengée de manière barbare de deux hommes ayant abusé d’elle dans des circonstances très particulières, Mathilde Collignon ne clame pas son innocence, mais réclame justice. Son acte a été commenté dans le monde entier et son procès est au cœur de toutes les polémiques et de toutes les passions. Trois magistrats et six jurés populaires sont appelés à trancher. Doivent-ils faire preuve de clémence ou de sévérité ? Vont-ils privilégier la punition, au nom des principes, ou le pardon, au nom de l’humanité ? Avoir été victime justifie-t-il de devenir bourreau ?
Nous plongeons en apnée dans cette salle des délibérations d’un jury de cour d’assises. Neuf hommes et femmes en colère qui projettent sciemment ou inconsciemment sur l’écran de cette affaire le film intérieur de leur propre existence…

Evaluation :

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