Auteure: Emilie Lanez

Editeur: Grasset – 1er octobre 2025 (192 pages)
Lu en octobre 2025
Mon avis: « Vipère au poing » est sans doute le roman le plus connu d’Hervé Bazin (1911-1996), celui qui a lancé sa carrière littéraire, qui l’a rendu célèbre dans le monde entier et qui, avec le reste de son œuvre, l’a porté à la présidence de l’Académie Goncourt.
Ouvertement autobiographique, « Vipère au point » tirait notamment un portrait au vitriol de Folcoche, la mère de l’auteur, harpie tortionnaire qui n’avait décidément rien pour elle. Son fils s’en est donné à cœur joie pour lui rendre la pareille à travers son livre vengeur.
Tant de haine du fils envers sa mère était-elle justifiée ?
C’est la question qu’Emilie Lanez s’est posée. Elle a mené l’enquête en recueillant des témoignages de proches d’Hervé Bazin, en épluchant la correspondance familiale et surtout en plongeant dans les archives policières des années 30-40. En effet, l’auteure s’est très vite rendu compte qu’il y avait une zone d’ombre dans la vie d’Hervé Bazin entre 1935 et 1948, treize années que celui-ci a sciemment laissées en blanc dans la biographie noire et dorée qu’il s’est construite.
Et en lisant l’ouvrage d’Emilie Lanez, on comprend pourquoi : pendant cette période, le jeune homme a continué à creuser le sillon qu’il avait commencé à tracer pendant son adolescence : mensonges, fugues, escroqueries, vols, y compris des cambriolages dans sa propre maison familiale. Entre séjours en prison et en hôpital psychiatrique, il ne s’est jamais réellement amendé avant d’atteindre la célébrité, malgré tous les efforts (parfois maladroits) de ses parents (donc aussi de Folcoche) pour lui sauver la mise et (aussi) préserver la réputation de leur bonne famille bourgeoise.
Ce qui étonne Emilie Lanez (et le lecteur), c’est que personne avant elle ne s’est penché sur cette « période noire » d’Hervé Bazin, alors que les archives étaient relativement accessibles pour peu qu’on se donne la peine de fouiller un minimum.
Il ressort de cette enquête minutieuse que Folcoche n’était pas la mère sadique dépeinte dans « Vipère au poing », juste une femme et une mère maladroite, rude, pingre, à qui on n’avait jamais appris la tendresse, et que Hervé Bazin n’était pas non plus l’enfant-martyr qu’il a complaisamment décrit. Au contraire, ce serait plutôt lui qui a crucifié sa mère en l’enfermant dans le personnage de Folcoche et qui a saccagé sa famille avec ses frasques et ses mensonges, sans que celle-ci, comme il sied à son rang bourgeois, ne démente ni ne proteste jamais.
Il en ressort aussi qu’Hervé Bazin et sa mère n’étaient pas si différents : enfants mal aimés, instables, avec un rapport compliqué à l’argent et aux relations humaines.
L’enquête d’Emilie Lanez est captivante, ni réquisitoire contre Bazin ni plaidoyer pour la réhabilitation de Folcoche. Elle ne prend pas parti, expose les faits, ses réflexions et interrogations. Malgré tout, elle met dans la lumière la face cachée d’un écrivain révéré, qui s’avère être un homme détestable, odieux, manipulateur, mythomane.
En partenariat avec les Editions Grasset (qui ont édité en son temps « Vipère au poing ») via Netgalley.
#Folcoche #NetGalleyFrance
Présentation par l’éditeur:
Tout le monde a lu Vipère au Poing, premier roman d’Hervé Bazin. Chacun se souvient du récit poignant de son enfance martyre sous la férule de sa mère, la méchante Folcoche (« folle » et « cochonne »). Depuis 1948, le livre est conseillé par les enseignants, lu par des générations de collégiens : il s’est vendu à plus de cinq millions d’exemplaires, a été adapté deux fois au cinéma et vendu dans le monde entier. Roman d’apprentissage, cri de douleur d’un adolescent mal aimé, il a trouvé sa place dans notre patrimoine littéraire et dans notre imaginaire collectif. On lit Vipère au poing pour aller vers l’âge adulte. Et c’est ainsi qu’il a permis à son auteur, Hervé Bazin, de briller sur le monde des lettres jusqu’à devenir le président de l’académie Goncourt.
Voici pour la légende. Car tout est faux. Tout. Intriguée par cette mère haïe de tous et comme un contre-modèle à l’adolescence en crise, Emilie Lanez a enquêté : exhumant les archives policières et les correspondances familiales, retrouvant des témoins de l’époque, elle nous livre une autre histoire, un contre-récit vertigineux qui est l’histoire d’un féminicide littéraire. Avant d’être un écrivain célèbre, l’auteur de Vipère au Poing fut un adolescent puis un jeune adulte menteur, qui fugue, vole sans discontinuer, escroque, menace… Poursuivi par la police, condamné par les tribunaux, privé de ses droits, il est interné en psychiatrie plusieurs fois et condamné à des années de prison. Sa famille, notables de province, panique. Surtout sa mère, Paule Hervé-Bazin. Avec maladresse, et rudesse, elle tente tout pour sauver son fils. Qui va la condamner au silence en faisant d’elle un monstre de papier : Folcoche.
À travers l’exploration des archives, Emilie Lanez révèle une famille dévastée par la littérature et comme figée pour l’éternité. Avec ses secrets, ses mensonges, son talent, ses hivers à la centrale de Clairvaux, puis sa gloire éclatante, Hervé Bazin est un personnage de roman fascinant – qui lui est enfin offert ici.
Une enquête hors du commun.

