jeudi , 21 novembre 2024

Grand Hotel Europa

Auteur: Ilja Leonard Pfeijffer

Editeur: Les Presses de la Cité – 20 janvier 2022 (650 pages)

Lu en mars 2022

Mon avis: Les amours tumultueuses d’Ilja, écrivain néerlandais (double littéraire de l’auteur?) et de Clio, historienne de l’art italienne, ne sont plus.

Pour éviter de se laisser aller au désespoir et à la mélancolie, Ilja a décidé de mettre leur histoire par écrit et de l’ordre dans sa propre tête. Pour ce faire, il prend ses quartiers, pour un séjour à durée indéterminée, au Grand Hotel Europa, quelque part au cœur du Vieux continent.

Le Grand Hotel Europa, autrefois palace luxueux, est désormais une immense bâtisse à l’architecture tarabiscotée et à la splendeur défraîchie, voire délabrée. Malgré ce faste d’antan désormais patiné, le majordome Montebello (qui est au Grand Hotel ce que Mr Carson est à Downton Abbey dans la série TV) veille au grain, mettant un point d’honneur à anticiper et satisfaire le moindre désir des rares clients.

Ce charme désuet est cependant en sursis, car l’hôtel vient d’être racheté par Mr Wang, un Chinois bien décidé à en redresser le prestige et les finances en y attirant une clientèle de riches compatriotes.

Dans cette ambiance de fin d’époque, le roman alterne entre les discussions d’Ilja avec les autres clients et avec le groom Abdul, un migrant africain au parcours terrible, et le récit de sa rencontre et de sa relation mouvementée avec la flamboyante Clio. On les suit ainsi de Gênes à Abou Dhabi en passant par Venise, Malte, Skopje, Amsterdam ou Portovenere.

Ce roman raconte donc une histoire d’amour teintée d’érotisme, désormais révolue, mais il livre également de foisonnantes réflexions, notamment une petite sociologie du tourisme de masse* (le tourisme détruit ce qui l’attire), avec quelques portraits cinglants de ces hordes de touristes envahissant, par exemple, Venise et Amsterdam, et les inconvénients économiques, environnementaux et autres de ces invasions.

Il parle aussi d’une Europe à bout de souffle dont le seul attrait, la seule ressource, réside désormais dans son fastueux passé, son patrimoine de traditions et de culture. A l’image de l’hôtel racheté par un investisseur chinois, il montre un continent vieillissant, coincé dans son passé, sans avenir (hormis celui, paradoxal et hasardeux, de s’enrichir précisément en exploitant ce passé jusqu’à l’absurde), qui ne sait comment réagir face aux continents émergents et/ou bien plus entreprenants.

Il y est aussi question d’immigration, de la fausse opposition entre tourisme et voyage, de nationalisme, du Caravage, de réseaux sociaux, du besoin de faire partie d’un groupe et de s’en démarquer, de superficialité fondée sur les apparences, de compétition et de rentabilité, de bêtise humaine, d’absence de respect et de morale. L’ensemble est exposé avec une écriture classique et raffinée, de l’humour et de l’autodérision, un ton nostalgique et caustique. Malgré quelques longueurs et répétitions, ce roman est très intéressant, riche, complexe, virevoltant, et pousse à la réflexion. Ce Grand Hotel Europa mérite que l’on s’y arrête.

*A noter que ce roman a été écrit en 2018, soit avant la pandémie et l’arrêt (momentané) du tourisme de masse.

En partenariat avec Les Presses de la Cité via Netgalley.

#GrandHotelEuropa #NetGalleyFrance

Présentation par l’éditeur:

Un écrivain néerlandais pose ses valises au Grand Hotel Europa, un palace à la splendeur délabrée.
Il vient de rompre avec son grand amour, Clio, historienne de l’art passionnée, et souhaite coucher sur le papier leur tumultueuse histoire. Si l’écriture est un remède à sa désolation, les autres clients et le personnel de l’hôtel le sont tout autant.
Il y a là Abdul, le groom, rescapé d’un naufrage en Méditerranée ; M. Montebello, le majordome, nostalgique d’un passé fastueux ; un armateur crétois ; une poétesse française et, surtout, M. Wang, le nouveau propriétaire chinois, décidé à rendre l’endroit attractif pour ses congénères…

Evaluation :

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