mardi , 10 décembre 2024

Tupinilândia

Auteur: Samir Machado de Machado

Éditeur: Métailié – 3 septembre 2020 (450 pages)

Lu en août 2020

Mon avis: Au milieu des années 80, le Brésil s’en revient peu à peu à la démocratie. Pour célébrer cette ère nouvelle dans l’histoire de la nation brésilienne, un richissime industriel, fervent admirateur de Walt Disney, décide de construire un immense parc d’attractions ultra-moderne au fond de l’Amazonie. Une construction réalisée dans le plus grand secret, mais dont les rumeurs sont cependant parvenues aux oreilles de quelques militaires férocement nostalgiques du bon vieux temps et des privilèges de la dictature. Convaincus que le futur Tupilnilândia est un projet communiste, les bons petits soldats intégralistes (càd admirateurs du fascisme) prennent le parc d’assaut le jour où se déroule la répétition générale de la cérémonie d’inauguration. Bilan : quelques morts et 300 otages. Mais les médias n’en parlent pas, donc ça n’existe pas…

30 ans plus tard, un archéologue, fasciné par ce parc mystérieux que personne n’a jamais vu, obtient des subsides pour aller explorer la région, avant que l’endroit ne soit noyé par la construction d’un barrage. Si lui et son équipe s’attendaient à découvrir des attractions en ruine, envahies par la jungle, ils n’imaginaient pas tomber sur une colonie fasciste, composée des descendants des otages des années 80, maintenus dans l’ignorance complète des événements et des progrès du monde extérieur, et dans la croyance qu’ils constituent une enclave de résistants oubliée dans un pays dominé par le communisme. Si l’archéologue et ses collaborateurs ne s’attendaient pas à cette découverte aussi fascinante que surréaliste, ils s’imaginaient encore moins courir un danger mortel face à l’hystérie des dirigeants de ce 1984 brésilien.

J’ai eu du mal à entrer dans ce roman, tant sa première partie foisonne de références à la culture et à la politique brésiliennes, que je suis loin de maîtriser. La suite est plus accessible, avec la construction de Tupinilândia, la prise d’otages puis la découverte de ce monde perdu par l’archéologue. On plonge alors en plein roman d’aventures, j’allais écrire « en plein film d’action », tant l’écriture est cinématographique. Les détails technologiques et autres cascades et courses-poursuites ne m’ont pas passionnée, mais je reconnais que l’auteur a une imagination incroyable et parvient à créer un univers totalement cohérent, entre Walt Disney, Orwell, Indiana Jones et Jurassic Park. Ce que je trouve bien plus intéressant, c’est la critique acerbe de la société et de la politique brésiliennes, passées et présentes, et le développement du thème de la nostalgie du bonheur perdu, d’où découle la volonté de recréer un monde nouveau à l’image de l’ancien, mais nécessairement hermétiquement clos et figé.

Avec humour et des personnages bien campés, l’auteur s’est fait plaisir en écrivant un vrai-faux divertissement, qui nous parle aussi du danger des extrémismes, du racisme, de l’homosexualité, de la mémoire et de la transmission.

En partenariat avec les Éditions Métailié.

Présentation par l’éditeur:

Situé au cœur de l’Amazonie, un fabuleux roman entre Orwell et Jurassic Park, un blockbuster d’aventures et une réflexion sur la nostalgie, la mémoire et le nationalisme.
Tupinilândia se trouve en Amazonie, loin de tout. C’est un parc d’attractions construit dans le plus grand secret par un industriel admirateur de Walt Disney pour célébrer le Brésil et le retour de la démocratie à la fin des années 1980. Le jour de l’inauguration, un groupe armé boucle le parc et prend 400 personnes en otages. Silence radio et télévision.
Trente ans plus tard, un archéologue qui ne cesse de répéter à ses étudiants qu’ils ne vont jamais devenir Indiana Jones revient sur ces lieux, avant qu’ils ne soient recouverts par le bassin d’un barrage. Il découvre à son arrivée une situation impensable : la création d’une colonie fasciste orwellienne au milieu des attractions du parc dévorées par la nature. À la tête d’une troupe de jeunes gens ignorant tout du monde extérieur qu’ils croient dominé par le communisme, il va s’attaquer aux représentants d’une idéologie qu’il pensait disparue avec une habileté tirée de son addiction aux blockbusters des années 1980.
Avec humour, intelligence et une imagination foisonnante, l’auteur renverse les clichés des romans d’aventures et des films d’action tout en réfléchissant sur l’ambiguïté de la nostalgie, l’importance de la mémoire et les dangers du nationalisme.
Une magnifique preuve que le plaisir de raconter une histoire extraordinaire, servi par un talent littéraire remarquable, peut se mettre au service d’une réflexion politique actuelle.

Evaluation :

Voir aussi

Clair de femme

Auteur: Romain Gary Editeur: Gallimard – 1977 (176 pages)/Folio – 1982 (180 pages) Lu en …