jeudi , 21 novembre 2024

Le ciel de Lima

Auteur: Juan Gómez Bárcena

Editeur: Editions Baromètre – 2020 (336 pages)

Lu en octobre 2021

Mon avis: A Lima en 1904, José et Carlos sont deux jeunes gens riches qui « se croient poètes » et « rêvent d’être Juan Ramón Jiménez », poète espagnol (1881-1958), futur prix Nobel de littérature en 1956.

Les deux amis, qui n’arrivent pas à se procurer le dernier recueil de leur idole, se décident à écrire au Maître pour qu’il daigne leur envoyer son ouvrage, mais, pour être certains de recevoir une réponse, se font passer pour une jeune admiratrice répondant au doux prénom de Georgina.

Le temps d’un trajet aller-retour en transatlantique, leur courrier fait mouche et les deux compères obtiennent le recueil tant convoité. C’est alors que leur vient l’idée d’entretenir la correspondance entre Georgina et Jiménez, dans l’espoir de faire de celle-ci la muse de celui-là et de lui inspirer un poème dont ils seraient à la fois les instigateurs et les destinataires. Mais pour susciter l’intérêt (et plus si affinités) du Maître, il faut donner de la consistance à Georgina, lui donner corps et âme à travers ses lettres. C’est là que les ennuis commencent, José et Carlos ne se font pas la même image de Georgina, José la voyant passionnée et audacieuse, Carlos la rêvant romantique, sage et cérébrale. Chacun projette en Georgina les souvenirs de ses premières conquêtes féminines, ou peut-être ses propres désirs. Le stratagème fonctionne néanmoins pendant deux ans, mais les divergences de vue entre les deux amis deviennent ingérables et menacent de faire échouer le projet. Et qu’arriverait-il si Juan Ramón tombait finalement amoureux de Georgina et décidait de faire le voyage jusque Lima ?

Voici une amusante fantaisie littéraire (inspirée d’une anecdote réelle), dans laquelle deux aspirants poètes créent un personnage fictif qui entretient une correspondance réelle avec un auteur réel, et qui se voient contraints d’inventer le « roman » de Georgina pour la rendre réelle et crédible, tout cela dans le but d’inspirer une nouvelle œuvre à leur auteur fétiche.

Mais « Le ciel de Lima » n’est pas qu’une mise en abyme littéraire, c’est aussi l’analyse de l’opposition des tempéraments de Carlos et José. Ils sont tous deux membres de la fine fleur de la bonne société liménienne, mais l’un est issu d’une famille de nouveaux riches et l’autre d’un lignage ancien tout aussi riche, et ils oscillent entre complexe d’infériorité et arrogance.

Sur fond de grèves et révoltes ouvrières et de répressions policières brutales, « Le ciel de Lima » brosse le portrait subtil et ironique d’une époque, d’une ville et de sa classe supérieure, certaine de conserver ses privilèges quoi qu’il advienne.

Ce premier roman, publié en Espagne en 2014, est une agréable découverte.

En partenariat avec les Editions Baromètre.

Présentation par l’éditeur:

Lima, 1904. Deux jeunes bourgeois épris de littérature partagent la même passion pour l’écrivain Juan Ramón Jiménez. Frustrés de ne pouvoir se procurer le dernier recueil du célèbre poète espagnol, ils se décident à lui écrire en se faisant passer pour une admiratrice du nom de Georgina Hübner. D’un simple canular naîtra une correspondance entre le futur prix Nobel de littérature et cette muse singulière. Histoire d’une vaste supercherie, entre fresque historique et fantaisie littéraire.

Inspiré d’une anecdote réelle, le roman de Juan Gómez Bárcena nous plonge dans le quotidien tumultueux de la capitale péruvienne alors marquée par la crise, les grèves prolétariennes et la répression policière. Au milieu de ce chaos, deux apprentis poètes en quête de reconnaissance cherchent pourtant leurs mots… Un récit plein d’ironie dans lequel se dresse un subtil tableau de la société liménienne du début du XXe siècle.

Evaluation :

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