Auteure: Sigrid Nunez
Editeur: Stock – 20 août 2025 (272 pages)
Lu en août 2025
Mon avis: Au début de la pandémie de Covid à New York, la narratrice, écrivaine, solitaire et plus très jeune, se voit confier la garde d’un perroquet, dont les propriétaires sont coincés en Californie. La voilà donc qui s’installe dans un luxueux appartement près de Central Park, et qui se prend peu à peu d’affection pour Eureka, animal sensible et enthousiaste. Jusqu’au jour où débarque, impromptu, l’étudiant qui s’occupait auparavant du volatile, et qui, en dépit de la fermeture de l’université, est revenu en ville après s’être disputé avec ses parents.
Débute alors une cohabitation improbable entre une vieille dame et un jeune homme, tous deux déstabilisés par la pandémie dans leurs lieux et modes de vie. Eureka, élément le plus résilient du trio, leur servira de trait d’union.
Avec beaucoup d’autodérision et un humour un brin sarcastique, la narratrice (double de l’auteure?) livre ses réflexions sur ce nouveau monde confiné et les vulnérabilités qu’il exacerbe, celles des personnes âgées, malades et/ou isolées. Désœuvrée, incapable de se concentrer sur la lecture d’un livre, son esprit digresse d’une pensée à l’autre, se questionnant sur l’écriture, le passé tel que notre mémoire le reconstruit, les préoccupations des jeunes générations, le désarroi général face à un futur à réinventer.
« Plus jeune, je croyais qu’il fallait se souvenir du moindre rebondissement de chaque roman que je lisais. Aujourd’hui je sais : ce qui compte c’est l’expérience de lecture, les sentiments que l’histoire suscite, les questions qui viennent à l’esprit en lisant, plutôt que les événements fictifs tels qu’ils sont décrits. On devrait apprendre cela à l’école, mais il n’en est rien. On persiste à mettre l’accent sur la mémoire. Autrement, comment pourrait-on rédiger une critique ? Passer un examen ? Sur quelle base obtiendrait-on un diplôme en littérature ?«
Et donc, je ne me souviens pas exactement de tous les rebondissements de ce roman, mais il m’en reste un ressenti à la fois inquiet et optimiste, l’expérience d’une lecture intelligente, drôle et sensible.
En partenariat avec les Editions Stock via Netgalley.
#Lesvulnérables #NetGalleyFrance
Présentation par l’éditeur:
« Élégie + comédie, dit-elle, c’est la seule manière de décrire ce que nous vivons en ce moment. Et ce n’est pas parce qu’une chose n’est pas drôle dans la vraie vie qu’on ne peut pas l’écrire comme si elle l’était. »
En pleine pandémie mondiale, une écrivaine s’installe dans un appartement au coeur de Manhattan pour s’occuper du perroquet d’une amie. Au contact d’Eurêka, un ara plein d’entrain, elle s’offre une échappée loin du marasme extérieur. Jusqu’au jour où le précédent gardien du volatile réapparaît, s’immisçant ainsi dans son intimité. Il est jeune, séduisant, instable, et Eurêka semble le préférer à elle.
Les Vulnérables est un texte tendre et profond qui explore l’altérité, notre besoin d’empathie et la nécessité de l’écriture.
Quelques citations:
– Autrefois un misogyne pouvait aussi être un homme admirable, valeureux même. Le pire coureur de jupons pouvait aussi avoir de nombreux traits flatteurs, y compris d’importantes qualités morales. Cela ne semble plus crédible.
Il n’y a pas que les femmes qui choisissent de représenter les hommes sous un jour sombre, ajouta-t-elle. Je constate un phénomène similaire dans les manuscrits que je reçois écrits par des hommes. Et très souvent, même quand le personnage masculin n’est pas un monstre absolu, cet homme blanc est quand même un enfoiré, un incapable, un raté, un sale type.
Désormais les écrivains ne savent plus quoi faire pour souligner la supériorité de leurs personnages féminins. Suivant le même schéma narratif, livre après livre: QI élevé, personnalité géniale, principes moraux inébranlables, vivacité d’esprit éblouissante. Le tour de force consiste à réussir à laisser entendre qu’elle est également très attirante sans donner l’impression de lui manquer de respect. Ce serait drôle si ce n’était pas si ennuyeux. La vérité c’est qu’aucun homme d’aujourd’hui n’oserait créer une Emma Bovary ou une Anna Karénine.
– (Je songeai à cette autrice d’une fausse autobiographie de l’Holocauste: elle n’était pas juive, et sa défense, justement, avait été qu’elle s’était toujours sentie juive.) Après tout, si on avait le droit de choisir son genre, pourquoi pas sa race aussi, ou son ethnie?
– Notre seul espoir est que chacun accepte, dès maintenant, de vivre comme les millions de gens à travers le monde qui n’ont pas d’autre choix, c’est-à-dire en consommant le moins possible. Il s’agit de fabriquer des sociétés plus équitables, clament les libéraux, évidemment, sur le papier, ça a l’air super. Mais en permettant à toujours plus de monde d’atteindre notre niveau de richesse, nous allons détruire encore plus d’écosystèmes, éliminer de nouvelles espèces végétales et animales, et rendre la Terre de moins en moins habitable. L’urgence, réelle, c’est d’amener chacun à se rapprocher d’une certaine pauvreté. Ce dont, bien sûr, personne ne veut entendre parler.
– C’est le même scénario chaque Noël, poursuivit-il. Les gens reçoivent des chiots que finalement ils ne gardent pas. Pareil pour les petits poussins et les lapereaux offerts à leurs enfants à Pâques. Ah, parce qu’en fait ils ne vont pas rester aussi mignons et petits? Vous voulez dire qu’ils vont grandir? […]
Je songeai à ce thérapeute familial dépressif qui racontait avoir croisé dans son cabinet beaucoup trop de patients qui semblaient avoir mal évalué le fait qu’en mettant au monde un bébé, ils se retrouveraient un jour avec un adulte sur les bras.
Je songeai à tous ces animaux de compagnie de pandémie.
– C’était l’un des traits caractéristiques de Lily: elle ne s’était pas coupé les cheveux depuis ses dix ans, et cet attribut spectaculaire faisait tourner les têtes et bouchait l’évacuation des douches.
