Auteure: Simone de Beauvoir
Editeur: Gallimard – 1958 (368 pages) / Folio – 2021 (480 pages)
Lu en juillet 2023
Mon avis: « Mémoires d’une jeune fille rangée » est le premier volume de l’autobiographie de Simone de Beauvoir (1908-1986), qui court de ses premiers souvenirs d’enfance à ses 21 ans en 1929, année où elle obtient l’agrégation de philosophie et où elle rencontre Jean-Paul Sartre.
Elevée dans une famille bourgeoise catholique aisée qui connaîtra quelques revers de fortune, la petite fille se plie aux contraintes de son milieu, mais en ressent cependant très vite tout le poids. Tout à la fois curieuse, enthousiaste, exaltée, capricieuse, colérique, elle est une enfant précoce. Plus tard, adolescente gauche au physique ingrat, intellectuelle et cérébrale, elle trace son avenir dans l’étude et un travail acharné : elle sait que plus tard elle écrira et enseignera. C’est son désir le plus cher, même si ce n’est pas ce qu’on attend traditionnellement de la part d’une jeune fille de son milieu. Et même si ses parents, son père en particulier, voient cela d’un mauvais œil – quelle déchéance pour la famille -, avec ce paradoxe qu’il n’y a pourtant pas d’autre issue, puisque aucun bon parti ne voudra épouser cette jeune fille sans dot. Simone souffrira de cette situation (tout en ne souhaitant pas se marier) dans sa relation avec son père, dont elle a toujours cherché l’admiration et la reconnaissance, et qui pendant longtemps n’aura que mépris, voire honte, pour la réussite de sa fille.
Mais Simone va de l’avant, se construit en s’appuyant sur ses amitiés et ses amours platoniques, en s’élevant contre la religion et le carcan social de son milieu, en se nourrissant de lectures et de rencontres, aiguisant sa conscience de la condition féminine et son appétit de liberté, sa soif d’apprendre et de comprendre.
A travers le portrait de cette jeune fille pas si rangée transparaît celui d’une époque (l’entre-deux-guerres) et d’un milieu social étouffant, dont Simone cherche tant bien que mal à s’affranchir.
Ce texte décortique minutieusement le moindre état d’âme, et questionne sans arrêt tant l’auteure que le lecteur (davantage la lectrice, peut-être). La plume est agréable, accessible, sincère, intense, foisonnante, sans doute autant que l’esprit de Simone de Beauvoir.
Présentation par l’éditeur:
« Je faisais des caprices ; je désobéissais pour le seul plaisir de ne pas obéir. Sur les photos de famille, je tire la langue, je tourne le dos ; autour de moi on rit. Ces menues victoires m’encouragèrent à ne pas considérer comme insurmontables les règles, les rites, la routine ; elles sont à la racine d’un certain optimisme qui devait survivre à tous les dressages. »
Quelques citations:
– J’avais compris aussi que les romans, les nouvelles, les contes ne sont pas des objets étrangers à la vie mais qu’ils l’expriment à leur manière.
– J’aperçus un jour au Luxembourg Nizan et sa femme qui poussait une voiture d’enfant, et je souhaitai vivement que cette image ne figurât pas dans mon avenir. Je trouvais gênant que des époux fussent rivés l’un à l’autre par des contraintes matérielles: le seul lien entre des gens qui s’aiment aurait dû être l’amour.
Je n’ai jamais rien lu de cette femme d’exception et ne connaissant rien de sa vie, ce livre ne peut que me tenter.
Bonne prochaine lecture, dans ce cas! 😉
Merci 🙂