Auteur: Gaël Faye
Editeur: Le Livre de Poche – 2017 (224 pages)
Prix Goncourt des Lycéens 2016
Lu en juin 2018
Mon avis: Il était une fois un petit pays dénommé Burundi, un petit bout de paradis dans l’Afrique des Grands Lacs.
Il était une fois 1992, une année lors de laquelle une nouvelle Constitution a été promulguée et des élections programmées pour l’année suivante, faisant naître un espoir de démocratie.
Il était une fois un petit garçon de 10 ans, Gaby, qui s’amusait avec sa bande de copains à chaparder les mangues chez les voisins et à faire d’autres bêtises de gamins, et qui croyait que ça durerait toujours.
Il était une fois… Stop. Le conte de fée s’arrête.
Transition vers le film d’horreur :
1993, le début de la fin de l’innocence. Les parents de Gaby se séparent, puis ce sont les peuples qui se fissurent. Depuis l’autre côté de la frontière arrivent des rumeurs inquiétantes. Au Rwanda, on aiguise les machettes, on cire les bottes, le bruit de la fureur monte.
Et puis l’enfer sur terre :
1994, le Rwanda s’enfonce dans le génocide, la violence déferle entre Hutus et Tutsis, et ses vagues ne s’arrêtent pas à la frontière. Le Burundi bascule, il neige à Bujumbura, les hippopotames glissent sur le lac Tanganyika gelé. Sur les lieux de massacre et au sein des gouvernements occidentaux règne un silence de mort(s).
Fin de la guerre.
Comment s’en remettre ? On ne s’en remet pas : « Le génocide est une marée noire, ceux qui ne s’y sont pas noyés sont mazoutés à vie ».
Petit pays, c’est la perte de l’innocence, de la façon la plus atroce qui soit.
Petit pays, c’est ce petit garçon qui s’accroche désespérément à son enfance heureuse, qui ne veut pas croire que même lui et ses amis finiront par être divisés, qui ne veut pas choisir et devra pourtant décider.
C’est cette carapace qu’il essaie de se forger en lisant jusqu’à plus soif les livres de la bibliothèque de sa voisine.
Petit pays, c’est un roman écrit à hauteur d’enfance, simple, sobre, qui avec peu de mots laisse entrevoir l’horreur des massacres mais aussi l’amour profond pour un pays.
Un roman qui parle de la colonisation, du racisme, d’une guerre fratricide « parce qu’ils n’ont pas le même nez ».
Petit pays, c’est pour le lecteur un sentiment de perte, de déchirement, de révolte, ce sont des larmes qui n’arrivent pas à couler.
Petit pays, un grand roman.
Présentation par l’éditeur:
Avant, Gabriel faisait les quatre cents coups avec ses copains dans leur coin de paradis. Et puis l’harmonie familiale s’est disloquée en même temps que son « petit pays », le Burundi, ce bout d’Afrique centrale brutalement malmené par l’Histoire.
Plus tard, Gabriel fait revivre un monde à jamais perdu. Les battements de cœur et les souffles coupés, les pensées profondes et les rires déployés, le parfum de citronnelle, les termites les jours d’orage, les jacarandas en fleur… L’enfance, son infinie douceur, ses douleurs qui ne nous quittent jamais.
Quelques citations:
– Ecoute, ma chérie, a dit Papa d’un ton qui se voulait apaisant. Regarde autour de toi [au Burundi]. Ces montagnes, ces lacs, cette nature. On vit dans de belles maisons, on a des domestiques, de l’espace pour les enfants, un bon climat, les affaires ne marchent pas trop mal pour nous. Qu’est-ce que tu veux d’autre? Tu n’auras jamais tout ce luxe en Europe. Crois-moi! C’est très loin d’être le paradis que tu imagines. Pourquoi penses-tu que je construis ma vie ici depuis vingt ans? Pourquoi penses-tu que Jacques préfère rester dans cette région plutôt que rentrer en Belgique? Ici, nous sommes des privilégiés. Là-bas nous ne serons personne.
– C’est la première fois qu’on a un président qui n’est pas militaire. Je pense qu’il aurait moins mal à la tête que ses prédécesseurs. Les présidents militaires ont toujours des migraines. C’est comme s’ils avaient deux cerveaux. Ils ne savent jamais s’ils doivent faire la paix ou la guerre.
– La guerre entre les Tutsi et les Hutu, c’est parce qu’ils n’ont pas le même territoire?
– Non, ça n’est pas ça, ils ont le même pays.
– Alors… ils n’ont pas la même langue ?
– Si, ils parlent la même langue.
– Alors, ils n’ont pas le même dieu ?
– Si, ils ont le même dieu.
– Alors… pourquoi se font-ils la guerre ?
– Parce qu’ils n’ont pas le même nez.
Un très beau récit qui dénonce la guerre, qui fait prendre conscience de la fragilité de l’enfance et de la perte de celle-ci. Un difficile passage à l’âge adulte.
tout à fait…