lundi , 4 août 2025

Scipion

Auteur: Pablo Casacuberta

Editeur: Métailié – 2015 (261 pages)/Points – 2016 (336 pages)

Lu en juin 2025

Mon avis: Aníbal Brener, le narrateur quarantenaire, n’a jamais réussi à être à la hauteur des attentes de son père, le très éminent professeur et illustre historien Wolf Brener, spécialiste de l’Antiquité.

Mais à quoi pensait donc ce génial géniteur au moment de choisir pour son fils le même prénom que celui de Hannibal Barca, grand perdant de l’Histoire, génial stratège militaire commandant l’armée carthaginoise, défait par Scipion et son armée romaine, et qui finira sa vie dans l’exil, la misère et la solitude ? Si le prénom influe sur la destinée, alors Wolf mettait sur son gamin une sacrée pression.

Et donc, la question qui se pose dans ce roman : Aníbal Brener, donné vaincu dès sa naissance, sera-t-il perdant dans cette histoire ?

Après une jeunesse passée à tenter en vain de ne pas décevoir son père qui ne se privait pas de l’humilier, Aníbal, névrosé et paranoïaque, jette l’éponge et laisse tomber carrière universitaire et famille, et sombre dans l’alcoolisme et la précarité. Il apprendra la mort de son père dans les médias, et ce n’est que deux ans plus tard qu’il recevra un curieux héritage : trois boîtes remplies de vieilleries et du journal de son père, autant d’objets qui éveilleront des souvenirs plus ou moins mortifiants et susciteront chez Aníbal interrogations, rancœur, indignation, colère. Au milieu du fatras, le malheureux trouve un bout de papier l’informant qu’un testament l’attend chez un certain Me Manzini. Où il découvrira qu’il n’entrera en possession de sa part (non négligeable) de l’héritage paternel que s’il accomplit une tâche bien déterminée, exigée par son père.

Devant l’ampleur de ce qui lui est demandé, Aníbal balance entre renonciation résignée et piqûre d’orgueil lui enjoignant de prendre le taureau par les cornes. Il choisit d’affronter son père – ce Scipion – à titre posthume, pour lui prouver une fois pour toutes qu’il n’est pas l’avorton que celui-ci croyait (ou voulait faire croire) avoir engendré.

S’ensuit une précipitation de péripéties rocambolesques et dramatiques, et notamment une inondation spectaculaire dans laquelle Aníbal perdra beaucoup de choses, mais d’où il ressortira, si pas indemne, au moins un peu plus adulte qu’avant.

Comme quoi il n’est jamais trop tard pour grandir, même s’il faut parfois tuer le père, ou en tout cas, comme ici, attendre sa mort et exécuter ses dernières volontés (une manipulation terminale?) pour y arriver. Parce que derrière les apparences d’un père castrateur, Aníbal comprend, au fil de ses découvertes et réflexions, que les agissements et sentiments de son père étaient bien plus complexes et subtils.

Bourré d’autodérision et d’ironie, les deux parfois cruelles, ce livre jubilatoire (pour le lecteur) est un roman d’apprentissage sur la filiation, la transmission, le poids du nom (et du prénom) qu’on porte, ce qui guide nos choix consciemment ou pas, l’ambiguïté des sentiments entre un fils écrasé et un père exigeant. Des monologues intérieurs, une très belle écriture, un texte profond et un dénouement comme une lumière au bout du tunnel.

Présentation par l’éditeur:

Aníbal n’a jamais été à la hauteur des attentes de son père, illustre historien. Chassé de l’université, il a sombré dans l’alcoolisme. Deux ans après sa mort, il reçoit sa part du testament : trois boîtes à l’étrange contenu. Ce père qu’il n’a fait que décevoir lui jouerait-il des tours depuis sa tombe ? Indigné et un brin maniaque, Aníbal part en guerre pour récupérer l’héritage familial…

Evaluation :

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