Auteur: Eva Kavian
Editeur: Le Castor Astral – 2003 (135 pages)
Lu en novembre 2021
Mon avis: Quelle énigme, cette histoire. Une narratrice à qui « l’idée même d’écrire un livre était devenue étrangère », depuis qu’elle ne trouve plus de papier. Ses enfants (« les enfants du monde »), eux, pourtant, en trouvent. Ils passent leur temps à dessiner, et aussi à voler celui de la narratrice. Arrivés sur un lieu de vacances, les enfants ont appris à dormir, et le reste du temps plongent dans un rectangle bleu ou dessinent, encore, sur des feuilles de papier. Que la narratrice, quand ils vont dormir, ramasse et empile à l’extérieur. Les piles de papier deviennent un arbre, dans lequel elle découvre bientôt un homme qui l’observe, et qu’elle va aimer, et qui n’est pas son mari, ni le père des enfants. Qui l’emmène au bout de la rivière, du fleuve, de ses larmes à elle peut-être, jusqu’à la mer.
Et puis il y a la boulangère, qui a des problèmes de santé, puis des enfants. Qui retrouve le sourire et la santé, mais pas l’amour du boulanger. Elle a alors des problèmes de cœur. Jusqu’à ce que le médecin s’en mêle…
Quelle étrange histoire, insaisissable, portée par une plume hypersensible, sensuelle aussi.
On n’y comprend pas grand-chose, même pas le titre – qui peut prétendre vivre trois siècles d’amour ?
C’est pourtant ce dont il est question: d’amour. Et aussi d’enfants, de maternité, d’identité, de liberté, de désir, d’envie d’écrire, et peut-être de ce que c’est que d’être femme, et de ce qui fait qu’une femme s’épanouit, ou pas (en étant mère, libre, aimée, désirée?).
Mais je ne suis pas sûre que ce soit le thème du roman, je ne sais pas si c’est le sens qu’a voulu lui donner l’auteure, ni même s’il y a un sens, tout n’y est que symboles et métaphores et multiplie les interprétations possibles. Mais ce n’est pas grave, sa petite musique nous berce dans une douceur hypnotique qui endort la raison et ouvre le cœur.
« Il y a des livres qui racontent plus qu’une histoire. Ou plusieurs histoires. On ne le sait que lorsqu’on les relit. D’abord on lit l’histoire, après, on trouve autre chose. Il y a des livres que l’on peut relire sans fin. »
Un de ces textes qu’on pourrait relire pendant trois siècles sans pour autant en épuiser le sens…
#LisezVousLeBelge
Présentation par l’éditeur:
Je ne sais pas nommer les choses. Je vais écrire l’histoire d’une famille qui va en vacances pour la dernière fois. Je ne dirai rien de la souffrance infinie de la narratrice. Je la garde pour moi. Je lui donnerai un amour magnifique pour s’accrocher à la vie. Je pleurerai toutes ses larmes jusqu’à la mer, et j’écrirai cette histoire pour lui dire qu’il peut y avoir, entre les branches des arbres, des histoires d’amour qui attendent qu’on les invente pour exister.