mardi , 19 mars 2024

Vesdre

Auteur: Luc Baba

Editeur: L’Arbre à paroles – 2022 (118 pages)

Lu en novembre 2022

Mon avis: Au matin du 14 juillet 2021, il pleut sur la vallée de la Vesdre, en province de Liège. Il pleut depuis la veille, mais en Belgique, la pluie, on connaît. On se dit qu’au pire, on aura de l’eau dans les caves. A ce moment-là, ni Luc Baba, ni personne dans la région, n’imagine la catastrophe imminente.

Pourtant, vers midi, de sa maison sur les bords de la rivière, il observe une famille de ratons-laveurs traverser son jardin.

Etonnement, prémices d’inquiétude. De sa cuisine, Luc Baba ne voit pas la Vesdre.

De sa fenêtre au premier étage, c’est autre chose. La rivière commence à déborder, sort de son lit.

L’eau ne cessera de monter que lorsqu’elle aura noyé le rez-de-chaussée.

Réfugié au premier étage, puis sur le toit, Luc Baba, comme tant d’autres infortunés, observe avec horreur l’eau ravageuse qui charrie le contenu des maisons, attend les secours, sans boire ni manger, sans électricité, chauffage ni batterie de téléphone. Mais avec peur et angoisse.

Une nuit, un jour, une autre nuit, avant le sauvetage.

C’est là qu’il découvre l’ampleur inouïe de la catastrophe, puis de la dévastation quand l’eau regagne enfin son lit. Les morts, les façades écroulées, les montagnes de déchets, les vies anéanties.

Etat de choc, désespoir, traumatisme d’avoir tout perdu, et tout à reconstruire à partir de rien.

Et puis la solidarité, et un brin d’espoir.

« Vesdre » reconstitue cette tragédie par brefs fragments, presque heure par heure. D’une plume douce et ciselée, Luc Baba met des mots sur son ressenti de ces heures angoissantes et dramatiques, fait d’impuissance et de peur. La pudeur, la sobriété et la poésie infinies de ses mots les rendent encore plus déchirants (voir les citations). Le terme est étrange dans de telles circonstances, mais je n’en trouve pas de plus approprié pour qualifier ce texte : magnifique.

#LisezVousLeBelge

Présentation par l’éditeur:

Personne, au petit matin, ne redoutait un massacre des hommes
Collectif par les rivières. Une crue, oui, l’eau dans les caves. Mais pas ça.
Vesdre est le récit poétique d’une tragédie, la mise en mots d’un traumatisme pour la mémoire de ceux qui périrent, et pour ceux qui luttent encore dans les vallées meurtries.

Quelques citations:

– La rivière s’est couchée dans mon lit.

– La patience ne s’apprend pas. Il faudrait une vie pour l’apprendre, ce qui demanderait beaucoup de patience.

– Merde, je suis un émotif, moi! N’existe-t-il pas une vallée sans hommes sensibles, des pays de costauds sans peur? Que les rivières débordent là-bas!
Et les fragiles qui s’ignoraient savent, à présent.

– [Une psychologue:]
Le courage des enfants, dit-elle, c’est ça qui me fait mal. Les enfants ne devraient pas être obligés de trouver du courage, n’est-ce pas? Et ils en trouvent, c’est effroyable, et moi je n’en ai plus.

– Les humains sont les créateurs du contre-nature, et l’eau, maître du monde, nous a rappelé l’Histoire.

– Un tel montant pour des livres? demande l’expert. C’est impossible.
Trois mètres de large, la bibliothèque, trois mètres de pages. Vingt mille lieues sous les mers, des collections, Bobin, une dédicace à la plume, des tranches de cuir, tant d’évasions coutumières. J’ai répertorié, vous pouvez…
Mais vous les avez lus?
Et certains plus d’une fois. On sait comment vont les soirs d’hiver, chez nous, et lire…
Mais si vous les avez lus, il y a un coefficient de vétusté, monsieur.

Evaluation :

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