lundi , 18 mars 2024

L’Asturienne

Auteure: Caroline Lamarche

Editeur: Les Impressions Nouvelles – 2021 (336 pages)

Lu en novembre 2022

Mon avis: Quelques années après la mort de son père, Caroline Lamarche plonge dans les archives familiales, qui font largement corps avec celles de l’Asturienne, de son nom complet Royale Compagnie Asturienne des Mines. Cette société belge, fondée en 1853 en pleine révolution industrielle, fut pionnière dans la métallurgie du zinc et exploita pendant près de 150 ans des mines de zinc dans la région espagnole des Asturies. Elle est restée pendant longtemps l’une des entreprises les plus importantes de son secteur, active également en Belgique, en France, en Norvège et dans le nord de l’Afrique.
Le père de Caroline Lamarche, en digne héritier d’une longue tradition familiale, y travailla quasiment jusqu’à la liquidation de la société vers 1980, alors qu’elle était ruinée par le déclin de l’industrie métallurgique européenne et l’épuisement des mines.
Les familles Lamarche et Hauzeur, alliées de génération en génération et actives depuis longtemps notamment dans le tabac, la houille puis le zinc, appartiennent à la haute bourgeoisie liégeoise, et l’auteure est bien consciente d’être le produit de ce milieu privilégié. Au fil de ses recherches, elle a vite réalisé, notamment grâce à des témoignages ou échanges avec des acteurs issus en particulier de la classe ouvrière, que le paternalisme affiché par ses ancêtres à l’égard de leurs ouvriers cachait assez mal les conditions de travail difficiles dans les mines et la répression brutale des grèves. Lucide sur les compromissions nécessaires, elle rend également compte du fait que la prospérité économique de l’Asturienne a parfois dû composer sans trop d’états d’âme avec les contingences politiques, en particulier pendant le franquisme.
Caroline Lamarche ne prétend pas faire œuvre d’historienne, et elle ne tend pas non plus à l’exhaustivité. Il lui manque des sources, notamment tout un pan de la correspondance entre ses parents. Le livre est davantage une histoire familiale qu’une histoire de l’Asturienne, et je suis restée un peu sur ma faim quand elle parle, sans vraiment le développer, du fait que les ouvriers ont lutté pour la survie de la Compagnie. Son enquête n’en est pas moins fouillée et documentée, au vu des éléments qu’elle avait sous la main. Le récit, pas toujours chronologique, et émaillé de ses réflexions et questionnements, est un compte-rendu lucide et honnête d’une légende familiale qui s’inscrit dans une histoire industrielle de près de deux siècles.
Servi par une belle écriture fluide et illustré de photos et documents d’archives, c’est aussi le témoignage d’une femme aux prises avec le poids de la filiation et de son milieu social auquel elle avait cherché à échapper, et un magnifique hommage à son père adoré.

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Présentation par l’éditeur:

Caroline Lamarche déroule la saga d’une famille apparue à Liège au début de la révolution industrielle et pionnière de la métallurgie du zinc dans la province espagnole des Asturies.
Arpentant une époque qui annonce le grand capitalisme et son cortège d’inégalités, elle raconte les travaux et les jours de ces aventuriers, à la fine pointe d’une Europe
qui nourrit encore des rêves d’expansion.
Les fortes personnalités qu’elle aborde, les voix féminines qu’elle relaie, l’hommage rendu à un père qui lui a ouvert le chemin des archives, font d’elle l’héritière éclairée d’une légende familiale passionnante et cosmopolite. Les témoins vivants qu’elle sollicite bousculent le tableau et en questionnent les pans cachés dont elle rend compte avec lucidité, consciente d’être égarée entre deux mondes.

Evaluation :

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