mardi , 16 avril 2024

Volia Volnaïa

Auteur: Victor Remizov

Editeur: Belfond – 2017 (464 pages) ou 10/18 – 2019 (408 pages)

Lu en juillet 2022

Mon avis: Par ces temps caniculaires, on peut tenter de se rafraîchir en voyageant par la pensée (au moins) vers la Sibérie orientale. Au début de l’automne, la neige va bientôt commencer à tomber et à recouvrir la région d’un épais manteau glacé pour de longs mois, propices à la chasse à la zibeline. Ca y est, vous visualisez la taïga par moins 30, le blizzard, les lacs gelés, vous commencez à grelotter ?
Bon, au moins j’aurai essayé.
Or donc, disais-je, transportez-vous sur la presqu’île de Rybatchi, coincée entre la mer d’Okhotsk et celle de Béring. La Nature y est rude, hostile, mais néanmoins généreuse envers qui sait la comprendre et la respecter. Les hommes y vivent de pêche l’été et de chasse en hiver, et aussi, du braconnage d’œufs de saumon. C’est illégal, mais à l’ère post-soviétique la corruption est endémique, et les autorités locales laissent faire moyennant de juteuses commissions de 20%. Tout le monde n’apprécie pas forcément ce racket institutionnalisé, mais la plupart s’en accommodent, faute d’alternative, il faut bien faire vivre sa famille. D’autres, plus rares, seraient plutôt tentés de se révolter, mais les moyens et/ou le courage leur manquent, et l’abus de vodka n’aide guère.
La vie coule son long fleuve tranquille, jusqu’à ce que la situation se tende après un incident entre Kobiak, l’un de ces pêcheurs-chasseurs insoumis, et un milicien ambitieux qui, en dépit du bon sens et des coutumes locales, fait remonter l’affaire jusqu’à Moscou, qui envoie sur place une unité spéciale d’intervention. Une chasse à l’homme, démesurée au vu de l’incident initial, est lancée, et Kobiak se cache dans la taïga comme un vieil ours solitaire, alors que l’hiver approche.

« Volia volnaïa » est une fameuse galerie de portraits d’hommes et de quelques femmes, les uns rebelles à des degrés divers, rudes, courageux, entêtés, solidaires, épris de liberté et de justice, les autres pourris et avides d’argent et de pouvoir, et les derniers vacillant entre les deux, cherchant à s’identifier aux uns ou aux autres. Le roman montre aussi le contraste entre une culture traditionnelle qui respecte la Nature, et le néo-capitalisme sauvage qui la surexploite au mépris de tout.
Une Nature grandiose magnifiquement décrite, des personnages touchants et attachants par leur caractère entier, un portrait à l’acide de la Russie poutinienne, « Volia volnaïa » est un très beau roman, lyrique et désespérant.
Quoique… Dans ce pays où tout se vend et s’achète, il reste peut-être une chose non négociable : Volia volnaïa, la « liberté libre ».

Présentation par l’éditeur:

Un roman russe fulgurant, une plongée dans l’immensité sibérienne, qui conte l’éternel affrontement entre désir de liberté et asservissement au pouvoir. Porté par une seule devise, Volia volnaïa, « Libre liberté », une très forte quête identitaire, avec, en toile de fond, le tableau contrasté de la Russie d’aujourd’hui, tiraillée entre tradition et modernité.

Evaluation :

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