mardi , 19 mars 2024

Le second disciple

Auteur: Kenan Görgün

Editeur: Les Arènes – 2019 (394 pages)/Points – 2022 (384 pages)

Lu en novembre 2022

Mon avis: Xavier et Brahim ont grandi dans des quartiers défavorisés de Bruxelles, sans se connaître. Ils se sont rencontrés bien plus tard, en prison. Brahim était devenu Abu Brahim, islamiste, djihadiste, terroriste, condamné à une lourde peine en tant que cerveau d’un attentat sur la Grand Place de Bruxelles, en pleine Fête de la Bière, un carnage. Seul membre de son réseau à s’être fait prendre, il est persuadé d’avoir été sacrifié pour la Cause, et n’a jamais révélé les noms de ses complices.

Xavier, ex-militaire ayant combattu en Irak, est derrière les barreaux pour avoir sauvagement agressé dans un bar un type qui avait eu la mauvaise idée de draguer sa copine.

En prison, Abu Brahim a endoctriné Xavier, devenu Abu Kassem et fanatisé au point de décider de venger Brahim en infiltrant une cellule terroriste dormante et ainsi identifier les traîtres qui ont abandonné Brahim. Dès sa sortie de prison, il met au point un attentat d’une ampleur tellement inouïe qu’elle effraie même ses complices les plus endurcis. Quant à Abu Brahim, après avoir purgé seulement 5 ans de prison, il est libéré sous condition (grâce à un vice de procédure) quelques mois après Xavier, avec un bracelet électronique qui lui permet de sortir de chez lui une heure par jour, entre 17h et 18h. Coincé chez lui, presque coupé du monde, renié par sa famille (sauf sa mère), Brahim est de plus en plus taraudé par le Doute, qui met sa Foi à rude épreuve. Par ailleurs, lors de ses courtes sorties, il aperçoit d’étranges tags d’une secte d’extrême-droite, qui apparaissent sur les murs des mosquées du quartier.

« Le second disciple » n’est pas un thriller mais un roman noir qui emmène le lecteur dans les tréfonds des cerveaux torturés de ses personnages principaux. Xavier, radicalisé, lobotomisé, fait figure de robot de l’apocalypse, même s’il finit par laisser parler son cœur à quelques pages de la fin. Pour Brahim, la perte des illusions est plus rapide : le Paradis n’existe pas au ciel, alors qu’on peut vivre l’Enfer sur terre. Au fil des pages, on découvre les certitudes et convictions de l’un, le questionnement, les doutes et angoisses de l’autre ; leurs logiques et leurs justifications.

Mais que tout cela est long et cérébral, dans un style tantôt haché, tantôt lyrique, que je n’ai pas aimé. Et puis, ceci explique peut-être cela, je me suis perdue sur cette route trop tordue pour moi : je n’ai pas compris qui étaient les traîtres (y en avait-il seulement?), ni en quoi l’attentat imaginé par Xavier vengerait Brahim, ni qui était le second disciple, ni l’intérêt de superposer à cela la menace d’une milice néo-fasciste islamophobe. Quitte à faire dans la psychologie, j’aurais aimé que l’auteur approfondisse les mécanismes de la radicalisation et de l’endoctrinement, dans quelles failles de la personnalité les idéologies font-elles leur nid, en bref pourquoi devient-on terroriste alors que seule la mort se trouve au bout d’un tel chemin, pourquoi tant de haine, de terreur, de violence et de désespoir pour, au final, échouer à convertir les mécréants (question valable pour tous les fanatismes religieux à travers le temps, d’ailleurs) ?

D’accord, on est dans un roman et pas un documentaire, mais certains points manquent tout de même de vraisemblance, à commencer par la libération conditionnelle, 5 ans après son procès, d’un terroriste pour vice de forme (avec, en plus une seule heure de sortie autorisée par jour), ou encore la faisabilité technique de l’attentat planifié par Xavier, ou le recrutement de celui-ci à un poste de chauffeur pour ultra-VIP après avoir fréquenté un djihadiste en prison. Pour le reste, la description du contexte socio-culturel des environnements respectifs de Xavier (le centre de Bruxelles) et Brahim (Molenbeek) est beaucoup plus convaincante, on sent que l’auteur connaît bien son sujet pour avoir vécu dans ces quartiers. Et malgré la noirceur du thème, il y a, pour le lecteur bruxellois, quelque chose de jouissif à suivre les personnages à travers des repères géographiques plus ou moins connus.

#LisezVousLeBelge

Présentation par l’éditeur:

Xavier Brulein, ancien militaire de retour du Moyen-Orient, est écroué après une rixe sanglante dans un bar. En prison, il rencontre Abu Brahim, prédicateur islamiste, l’un des cerveaux du terrible « attentat de la Grand-Place ». Seul membre de son réseau capturé, Brahim est convaincu d’avoir été sacrifié. Converti avant sa remise en liberté, Xavier devient Abu Kassem, adoptant l’un des noms du Prophète de l’islam. Il infiltre une cellule terroriste pour démasquer ceux qui ont trahi Brahim, devenant l’instrument de sa vengeance, un homme-machine que rien ne saurait faire dévier de sa mission : « En comparaison, le 11-Septembre sera l’enfance de l’art. »

Evaluation :

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