jeudi , 25 avril 2024

Les intéressants

Auteur: Meg Wolitzer

Editeur: Le Livre de Poche – 2016 (744 pages)

Lu en mars 2017

Mon avis: En 1974, six adolescents sont en camp de vacances à Spirit-in-the-Woods, dans l’Etat de New-York. Ils se sont surnommés, un peu ironiquement, « les intéressants ». Car Spirit-in-the-Woods n’est pas un camp comme les autres. Son but est de susciter et/ou de développer des vocations artistiques, voire de former de futurs talents. Ceci expliquant peut-être cela, ses stagiaires sont essentiellement des gosses de riches, avec quelques boursiers pour faire bonne mesure. Julie (très vite rebaptisée Jules) est l’une de ces derniers, mal fagotée et peu sûre d’elle. Etrangement, et à sa grande surprise, elle est acceptée par les cinq autres, qui se connaissaient déjà. Il y a Ethan, petit génie du film d’animation, Cathy la danseuse, Jonah, fils d’une célèbre chanteuse folk, et Goodman et Ash Wolf, le frère et la soeur, l’un séducteur et auto-destructeur, l’autre petite fille modèle brillante, promise à la réussite.
Pour Jules, cet été est une révélation, qui la fait entrer dans un monde bien moins étriqué que le sien, et qui l’ouvre à la fois à l’amitié et à l’art. C’est le temps béni de l’adolescence, de ses exaltations, de ses hormones, de ses promesses d’avenir et de ruptures avec le passé, le champ de tous les possibles.
C’est du point de vue de Jules que sera déroulée la chronique des 40 années suivantes, balayant la Grande Histoire, de Nixon au 11 Septembre en passant par les années Reagan et l’épidémie du sida, et décryptant dans le moindre détail les histoires de nos six protagonistes. Cathy sort du jeu assez rapidement mais hantera longtemps ses (anciens) amis. Jonah, qui n’a pas voulu ressembler à sa mère, a laissé tomber la guitare pour la robotique. Goodman, considéré comme un bon à rien, craquera sous la pression paternelle (« sois un homme, mon fils »). Sa soeur Ash, pour compenser la défection de son frère, répondra à toutes les attentes et au-delà, belle, riche, intelligente, directrice d’un théâtre féministe confidentiel, fille, amie, soeur, épouse et mère parfaite. Epouse, contre toute attente, d’Ethan, le seul à avoir réellement développé son talent et à en avoir fait son plantureux gagne-pain. Jules, elle, a renoncé au théâtre pour devenir psychologue, et s’est mariée avec Dennis, échographiste en lutte avec une dépression chronique. Jules ne connaît donc pas le brillant destin d’Ethan et Ash, et passera toutes ces années à tenter de concilier sa loyauté envers ses deux meilleurs amis, riches, célèbres et toujours bienveillants, et sa jalousie à l’égard de leur vie aisée de privilégiés.
Récit du passage à l’âge adulte puis à la maturité, avec les inévitables rêves auxquels il faut renoncer et les envies de revenir en arrière, cette chronique d’une fidélité sans faille à une amitié adolescente est étonnamment captivante, malgré certaines longueurs. Bien qu’elle ne soit pas linéaire, la narration est très fluide, tout en sensibilité et analyse psychologique subtile. Jules et son mari sont peut-être les plus ordinaires du groupe, mais on peut se retrouver en eux. C’est peut-être ça qui est … intéressant.

Présentation par l’éditeur:

En 1974, Julie passe son été à Spirit-in-the-Woods, une colonie de vacances. Elle y rencontre un groupe de cinq adolescents qui se sont baptisés « les Intéressants » : Ethan, un surdoué des films d’animation ; Goodman et sa sœur Ash, jeunes New-Yorkais bien nés ; Jonah, le fils d’une célèbre chanteuse folk, icône de la contre-culture, et enfin Cathy, qui rêve de devenir danseuse.
Le roman suit leur vie pendant quarante ans. Ethan épousera Ash. Ensemble, ils connaîtront la réussite et les drames. Goodman devra faire face à la justice. Jonah se détournera de la musique. Et Julie ? Julie se cherchera pendant de longues années et racontera leur histoire à tous.

Quelques citations:

– L’amour transcendait l’haleine, l’eczéma, la peur du sexe et un déséquilibre au niveau de l’apparence. Quand l’amour était authentique, ces détails humains, corporels, pouvaient paraître insignifiants.

– Si on se rencontrait tous aujourd’hui, on ne deviendrait jamais amis. […] Voilà pourquoi les rencontres que l’on fait enfant peuvent sembler idéales, car on est tous égaux et on crée des liens basés seulement sur notre affection réciproque. Mais plus tard, le fait de s’être connus durant l’enfance peut devenir la pire des choses car parfois tes amis et toi, vous n’avez plus rien à vous dire, à part: « Tu te souviens de la rigolade en troisième, quand tes parents sont rentrés alors qu’on était complètement bourrés? » s’il n’y avait pas la nostalgie du passé, ça s’arrêterait.

– Il lui caressa les cheveux, comme l’avait fait Ethan: c’était un des gestes de base dans le manuel des hommes, il leur venait tout naturellement.

Evaluation :

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