mardi , 7 octobre 2025

L’incendiaire

Auteure: Constance Rivière

Editeur: Stock – 20 août 2025 (256 pages)

Lu en août 2025

Mon avis: Après plusieurs années d’absence, Alexandra revient dans sa région natale. Embauchée comme cadre dans l’usine de produits chimiques locale, la jeune femme ne tarde pas à découvrir des manquements aux normes de sécurité en vigueur, qui pourraient provoquer d’importantes pollutions et autant de dangers pour la santé des habitants et l’environnement. Inquiète, intègre, elle approfondit ses recherches dans les archives de l’usine, interroge les ouvriers, le comptable, le directeur. Elle creuse, documente, étaie ses soupçons et, convaincue de sa légitimité, elle alerte les autorités compétentes.

Mais, ainsi qu’une Cassandre contemporaine, non seulement on ne l’écoute pas, mais on la décrédibilise ou on la taxe de fantaisiste ou de mégalomane, voire d’être animée uniquement par une soif de vengeance personnelle.

Au final, après avoir subi toutes les étapes d’un harcèlement en règle, Alexandra est virée. Elle disparaît alors dans la nature, un incendie finit par se déclarer à l’usine, mais les dangers environnementaux sont minimisés par la direction et les autorités, et rien ne change…

C’est le récit des mésaventures d’Alexandra qui occupe la première partie du livre. Dans la deuxième, une narratrice (l’auteure ou son double littéraire) prend la parole pour tenter de rendre justice à Alexandra et à ceux et celles qui, comme elle, ont vainement lancé des alertes, qui ont tenté « d’essayer de sauver la possibilité qu’existe dans le monde un refuge pour les paroles vraies dont personne ne veut« . Elle décrit leur isolement, la décrédibilisation en dépit (ou en raison, précisément) de la justesse de leurs avertissements, la culpabilisation (si on ferme l’usine, c’est autant d’emplois perdus), les enjeux économiques et politiques, les jeux de pouvoir et de domination. Elle insiste particulièrement sur la façon dont la parole des femmes lanceuses d’alerte (telles la mythique Cassandre ou les biens réelles Maureen Kearney chez Areva et Irène Frachon dans l’affaire du Mediator) est perçue et reçue, càd encore bien trop souvent comme hystérique, émotionnelle ou en tout cas subjective, et donc non écoutée. Et alors que la parole des femmes est inaudible parce qu’elle dérange, leur silence, lui, est interprété comme un consentement.

Entre roman et journalisme, un texte puissant sur la situation précaire des lanceurs d’alerte, une réflexion profonde et sensible sur la parole et le silence, leur puissance ou leur impuissance, sur le doute et la vérité.

En partenariat avec les Editions Stock via Netgalley.

#Lincendiaire #NetGalleyFrance

Présentation par l’éditeur:

« Quand les sirènes des pompiers ont remplacé le silence de la nuit, quand j’ai senti leur présence d’hommes, je suis partie. J’ai fui sans me retourner. Puisque parler n’avait servi à rien, mes mots mêmes auraient pu se retourner contre moi. Après avoir ignoré mes avertissements, il s’en trouverait bien pour m’en vouloir de ne pas avoir été assez convaincante. Ou : faire de moi la coupable, l’incendiaire. »
Alexandra revient dans sa ville natale pour travailler dans l’usine de produits chimiques en plein développement. Elle y restera neuf mois, avant de disparaître.
C’est l’histoire d’une femme qui voit venir le danger, une si petite chose d’abord, à peine perceptible. C’est l’histoire d’une femme qui tente de prévenir et que personne n’écoute.
C’est aussi l’histoire de celles et ceux qui n’ont rien entendu, rien vu, rien compris. Mais le voulaient-ils ?

Constance Rivière signe un roman implacable sur la puissance de la parole, et son impuissance.

Quelques citations:

– Quand on est tout seul à dire une chose, c’est bien qu’on a tort, non?

– J’aimerais même écrire un jour un éloge du doute, de ce qu’il impose comme modestie dans un monde où le pouvoir prend plus souvent la forme d’une assurance brutale que d’un questionnement aiguisé, confondant certitude bornée et capacité à décider. […] Et Alexandra elle-même est une femme qui doute, c’est ce qui lui permet de voir les failles. Mais c’est d’une autre forme de doute qu’elle est victime, l’autre face d’une même pièce: le doute non comme exigence pour soi-même mais comme arme contre. Le poison du doute qu’on répand autour d’une personne qui dérange jusqu’à la rendre inaudible – peut-être est-elle folle, peut-être est-elle jalouse, peut-être est-elle obsessionnelle, peut-être est-elle mégalomane, pyromane, aussi, pourquoi pas.

Evaluation :

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