Auteur: Jack London
Editeur: Folio – 2016 (592 pages)
Lu en juillet 2021
Mon avis: Au début du 20ème siècle, Martin Eden est un marin âgé de 20 ans, issu des quartiers défavorisés d’Oakland, Californie. Rustre et peu instruit, costaud et rude à la tâche, il n’hésite pas à sortir les poings pour régler ses comptes. Un jour, il sauve un jeune bourgeois d’une bagarre mal engagée. En remerciement, il est invité à dîner par la famille de celui-ci. Martin découvre alors une belle et grande demeure, une famille charmante et distinguée, un monde de raffinement dans lequel il se sent comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Son embarras s’accroît encore à la vue de Ruth, la fille de la famille, qui termine des études de littérature à l’université. Il tombe sous le charme de la jeune femme, cultivée, bienveillante, éthérée, douce, pure. La belle et la brute, en quelque sorte.
Martin Eden est inculte, mais n’en est pas moins doté de sensibilité et d’une grande intelligence. Au contact de Ruth et de sa famille, il entrevoit un monde, si différent du sien, de culture, de poésie et d’intellect, dont il tombe amoureux autant que de Ruth. Il comprend que pour conquérir celle-ci, il doit conquérir sa place dans celui-là, s’élever à sa hauteur. Il entreprend de lire et d’étudier toutes sortes d’ouvrages qu’il prend au hasard dans les rangées de la bibliothèque municipale. Le chemin est ardu pour le jeune homme, autodidacte, qui s’attaque pêle-mêle à toutes les sciences et tous les savoirs et bien souvent à des livres trop difficiles pour lui. Mais il persiste, se constitue une certaine culture générale, se défait de son langage grossier, et se met à l’écriture. Sûr de son talent, il inonde journaux et magazines de textes et de nouvelles, sans aucun succès. Mais il s’acharne. Il connaît alors le manque d’argent, la faim, les privations et la pression de Ruth qui le pousse à trouver une « situation » honnête et confortable. Mais Martin, idéaliste, sûr de lui, ne veut pas de cette vie étriquée conventionnelle, et continue à écrire sans relâche. Et puis un jour, un de ses textes est publié, puis un autre, et un autre… Tout s’emballe, célébrité, succès, gloire, fortune, ceux qui l’ignoraient et le méprisaient l’invitent à dîner et lui font les honneurs, et Ruth est à nouveau conquise…
Mais tout cela arrive trop tard : Martin ne parviendra jamais à comprendre pourquoi le succès change le regard des autres sur lui, alors qu’il est resté le même, qu’il était déjà ce qu’il était, tel qu’il était, avant le succès (« mais j’étais le même… »).
Que de finesse psychologique dans ce roman ! Martin Eden m’a agacée par son côté si sûr de lui et imbu de sa personne, mais il force l’admiration par sa ténacité, sa capacité de travail et surtout sa loyauté envers lui-même, qui refuse d’entrer dans le jeu du monde de l’édition et cesse d’écrire lorsque arrive le succès, qui refuse d’entrer dans les cases dans lesquelles Ruth veut l’attirer, celles d’une bourgeoisie conformiste, bornée, superficielle et sans horizons, finalement pas très éloignée de son propre milieu, l’argent en plus. Martin Eden, le marin au long cours, ne veut pas se laisser enfermer, ne veut pas se perdre lui-même. Mais la désillusion est terrible : l’amour n’était qu’une apparence, le succès est vain et la mode un phénomène aussi soudain que creux.
Malgré beaucoup de longueurs, l’analyse de la société américaine de l’époque et du milieu littéraire est fascinante. Un livre pessimiste et un grand roman.
Présentation par l’éditeur:
Martin Eden, un marin de vingt ans issu des quartiers pauvres d’Oakland, décide de se cultiver pour faire la conquête d’une jeune bourgeoise. Il se met à écrire, et devient un auteur à succès. Mais l’embourgeoisement ne lui réussit pas… Désabusé, il part pour les îles du Pacifique.
Ce magnifique roman paru en 1909, le plus riche et le plus personnel de l’auteur, raconte la découverte d’une vocation, entre exaltation et mélancolie. Car la réussite de l’œuvre met en péril l’identité de l’écrivain. Comment survivre à la gloire, et l’unir à l’amour, sans se perdre soi-même ? Telle est la quête de Martin Eden, le marin qui désire éperdument la littérature.