Auteur: Ayad Akhtar
Editeur: Fayard – 30 mars 2022 (400 pages)
Lu en avril 2022
Mon avis: Ayad Akhtar (le narrateur, pas l’auteur. Encore qu’ils aient beaucoup en commun), né aux Etats-Unis en 1972, est le fils d’un couple d’immigrés pakistanais, qui ont quitté leur pays dans les années 60, à la fin de leurs études de médecine. Son père, cardiologue réputé, soignera même Donald Trump en 1993, et vouera plus tard à celui-ci une admiration aussi illimitée qu’inexplicable.
Le jeune Ayad grandit entre ses deux cultures, étudiant la littérature américaine, passant les vacances dans sa famille restée au pays. Alors que sa mère est nostalgique du Pakistan d’avant la partition de 1947, Ayad et son père considèrent les USA comme leur patrie.
Jusqu’au 11 Septembre 2001, date à laquelle leur « peau brune » les enferme durablement, aux yeux des Américains « de souche », dans le même sac que les terroristes.
Dans ce récit fictionnel (mais manifestement empreint de nombreux éléments autobiographiques), sans véritable chronologie, Ayad Akhtar nous livre une brève histoire politico-économico-religieuse de l’Amérique contemporaine, principalement sous l’angle du racisme et de la discrimination des Noirs et des musulmans, mais aussi des contradictions internes à chaque communauté. Il y est aussi question de la désillusion du rêve américain, des trahisons et des abandons US au Moyen-Orient, d’un pays qui a renoncé à son idéal de liberté individuelle pour se soumettre aux dieux Argent et Dette et qui en arrive à élire Trump à sa tête (livre paru en septembre 2020), du système universitaire devenu « une expérience client, sans aucun rapport avec la pédagogie ».
A ces réflexions suscitées par des personnages divers et variés, se mêlent des épisodes plus personnels concernant le narrateur ou ses proches, où il aborde les thèmes de la famille, de l’amour, du deuil, du travail, avec sa propre carrière de dramaturge.
La critique des Etats-Unis est féroce et les désillusions cruelles, mais ce qui traverse douloureusement tout le texte, c’est la déchirure identitaire (y compris celle vécue par ses parents lors de la partition Inde-Pakistan), une blessure qui semble incurable.
Nuancé, intelligent, brillant même, à la fois roman, essai et mémoires, « Terre natale » parle avec une lucidité désabusée de la quête complexe d’identité de ceux qui sont partagés entre deux cultures.
En partenariat avec les Editions Fayard via Netgalley.
#Terrenatale #NetGalleyFrance
Présentation par l’éditeur:
Un père immigré sujet d’une passion aussi ardente qu’inexplicable pour Donald Trump, une mère nostalgique d’un Pakistan pourtant hanté par le spectre de la Partition, une professeure de lettres stupéfiante de lucidité, un riche financier qui n’hésite pas à user de ses talents de spéculateur pour ourdir sa vengeance, et une amante dont le souvenir charnel s’accompagne de symptômes embarrassants : voici quelques-uns des personnages qui façonnent l’Amérique d’Ayad Akhtar. Entre fiction et réalité, des attentats du 11-Septembre à l’élection de Donald Trump, de New York à Scranton en passant par Abbottabad, sur les planches d’un théâtre ou dans le cabinet d’un médecin véreux, Terre natale scande avec une rage jouissive l’épopée de l’identité américaine dans un pays dont l’idéal est à bout de souffle.
Contribution virtuose au grand roman américain, aussi drôle que déchirante, aussi intime qu’éminemment politique, Terre natale est l’histoire bouleversante d’un père, d’un fils et du pays qu’ils appellent tous deux leur patrie.
Une citation:
– Danyal fut l’une des innombrables personnes que j’ai vues sombrer dans le fossé entre la logique de leurs talents et la trahison d’une société américaine qui abandonnait les faibles et monétisait les malchanceux. Il fallait être en état de mort cérébrale pour ignorer qu’il était impossible de prospérer dans ce pays sans disposer d’une fortune colossale ou d’une chance exceptionnelle. […] Une somme conséquente d’argent était le seul moyen de se libérer de la servitude sous contrat de la vie américaine des classes inférieure et moyenne au XXIè siècle.