mardi , 10 décembre 2024

Cinquante nuances de Grey

Auteur: E.L. James

Editeur: JC Lattès – 2012 (560 pages)

Lu en 2013

cinquante nuancesMon avis: Bon voilà, on m’a offert ce livre à Noël, donc je l’ai lu. Sinon, je ne l’aurais jamais acheté. Désolée pour ceux (surtout celles) qui ont A-DO-RE, mais autant vous prévenir, il y a de la casse dans l’air.
Cinquante nuances…Ben non, justement. Aucune subtilité, ni vraisemblance dans ces 560 pages. Les personnages sont stéréotypés. Ana, jeune oie blanche et vierge de 21 ans, attend l’homme de sa vie et se croit moche alors qu’en toute objectivité elle est canon. Christian, beau (à tomber), jeune (27 ans quand même), riche (à milliards), dur en affaires mais pas trop (il est quand même préoccupé par « la faim dans le monde »), est le gendre idéal, sauf que (vous ne devinerez jamais) il cache une part d’ombre ET une enfance malheureuse ET une adolescence pervertie par une amie de sa mère qui l’a initié au SM. le pauvre…Tout ça explique, psycho de comptoir à l’appui, pourquoi ce pervers pathologique ne peut envisager les relations homme-femme que comme des relations dominant-soumise où l’amouoûûr est inexistant. Sauf que celui-ci va prendre les traits d’Ana et venir perturber la mécanique bien huilée (oups…) du Contrat. Mais que comme il y a 2 bouquins qui suivent, on ne sait pas encore si ça va se terminer en conte de fées ou en tragédie grecque, parce que bien sûr, face à un Christian que son Destin semble avoir condamné à être incapable d’Aimer, Ana est tiraillée entre sa conscience (« ce type ne t’aime pas, il va te briser le coeur, fuis-le tout de suite ») et sa « déesse intérieure » (« oui mais qu’est-ce qu’il te fait jouir, c’est trop bon, tu le sens jusque « là », vas-y fonce ! »). Enfin, cette liaison fera vivre à Ana des expériences palpitantes (comme voler en hélico, voyager en première classe en avion, envoyer des mails à partir d’un portable Apple et d’un Blackberry – eh oui, le placement de produits…). Parce que pour ce qui est des scènes de sexe « épicées », principal argument de vente de ce pavé, ça peut certes faire frétiller quelques instants la ménagère de moins de 50 ans, mais de là à grimper aux rideaux toute la nuit…Pas de quoi fouetter un chat (une chatte ?) ou jeter les hauts cris (de plaisir), même dans la Chambre rouge de la Douleur. C’est répétitif, pas subtil et pas très excitant. Ca manque cruellement d’imagination et d’intensité, et c’est mal écrit, on a l’impression qu’ils jouissent en 2min30 montre en main, et puis quoi ? c’est déjà fini ?
Voilà pour le contenu. Quant à la forme, soyons direct : qualité littéraire nulle, même si la lecture est fluide (pas étonnant vu qu’il est beaucoup question de fluides corporels ici. Oups, pardon, je me laisse aller…). Vocabulaire niveau école primaire, et c’est dommage vu la panoplie de mots qui auraient pu érotiser bien davantage ce texte pour vraiment électriser l’imagination et les sens du lecteur. De plus, la vulgarité (« je veux te baiser », « bordel de merde »,…) m’a gênée. Non pas que mes oreilles soient particulièrement chastes, mais j’ai trouvé ça incongru, gratuit, mal placé : ça ne cadre pas avec les personnages plutôt lisses et « classes ». D’accord, l’auteur a voulu révéler leur côté sombre pour nous affrioler, mais ce n’est vraiment pas convaincant.
C’est bourré aussi de « tics » d’écriture : Ana se mordille la lèvre inférieure, lève les yeux au ciel, et Christian penche la tête sur le côté, tire les cheveux d’Ana pour lui renverser la tête en arrière,…si souvent qu’on se demande si l’auteure a relu son texte, ou si elle se moque du lecteur, ou si elle fait du remplissage pour atteindre les 500 pages.
En fait tout ça s’est révélé fort ennuyeux, et si j’ai tourné les pages rapidement, c’était dans l’espoir qu’il se passe enfin quelque chose.
Quoi qu’il en soit, le succès de ce bouquin en dit long sur l’état de son lectorat : la vie des lectrices est-elle à ce point vide et étriquée pour se précipiter sur ce ramassis de clichés pseudo romantico-sadiques ? Ca mériterait une thèse de doctorat…
La quatrième de couverture est ridicule en plus d’être trompeuse : « libérateur et totalement addictif, ce roman vous obsédera, vous possèdera et vous marquera à jamais ». « Libérateur », franchement…Comme dirait Ana, « putain de bordel de merde », on n’est pourtant plus à une époque où les vierges effarouchées courent les rues (ou plutôt les couvents), si ? Pitié, rassurez-moi…
Même la présentation de l’auteure sur la 4ème de couv’ ne lui rend pas service : « elle a enfin trouvé le courage de prendre sa plume… ». M’enfin, mais si c’était aussi difficile que ça d’écrire ce texte au vocabulaire et à l’intrigue limités, aux scènes répétitives et prévisibles, pourquoi ne s’est-elle pas abstenue ?
En tout cas, elle a réussi un tour de force commercial qui lui assure une confortable retraite « entourée de son mari et de ses deux enfants », grâce au battage médiatique et au succès des produits dérivés, sans compter le futur film. « Waaouhh », comme dirait Ana. Même les détracteurs y trouvent leur compte (en banque) à coup de pastiches (50 nuances de Glauque,…).
Bref un super-coup (je parle du livre, pas de Christian) marketing, avec deux mérites (bah oui, quand même) : d’abord si on prend tout ça au 2ème degré, il y quelques réflexions et situations marrantes, et ensuite j’ai découvert quelques beaux morceaux de musique classique. Mais je n’ai toujours pas compris comment on peut avoir envie de « baiser » en écoutant le motet à 40 voix de Thomas Tallis. Je ne suis sans doute pas assez …romantique…

 

Présentation par l’éditeur:

Romantique, libérateur et totalement addictif, ce roman vous obsédera, vous possédera et vous marquera à jamais.
Lorsqu’Anastasia Steele, étudiante en littérature, interviewe le richissime jeune chef d’entreprise Christian Grey, elle le trouve très séduisant mais profondément intimidant. Convaincue que leur rencontre a été désastreuse, elle tente de l’oublier – jusqu’à ce qu’il débarque dans le magasin où elle travaille et l’invite à un rendez-vous en tête-à-tête. 
Naïve et innocente, Ana ne se reconnait pas dans son désir pour cet homme. Quand il la prévient de garder ses distances, cela ne fait que raviver son trouble. 
Mais Grey est tourmenté par des démons intérieurs, et consumé par le besoin de tout contrôler. Lorsqu’ils entament une liaison passionnée, Ana découvre ses propres désirs, ainsi que les secrets obscurs que Grey tient à dissimuler aux regards indiscrets… 

EL James, ancienne productrice de télévision, mariée et mère de deux enfants, vit à Londres. Depuis sa plus tendre enfance, elle rêvait d’écrire des récits dont les lecteurs tomberaient amoureux, mais avait mis ces rêves entre parenthèses pour se consacrer à sa famille et à sa carrière. Elle a enfin trouvé le courage de prendre sa plume pour rédiger son premier roman, Cinquante nuances de Grey. Elle est également l’auteur de Cinquante nuances plus sombres et de Cinquante nuances plus claires.

Evaluation :

Voir aussi

Le petit déjeuner des champions

Auteur: Kurt Vonnegut Editeur: Seuil – 1974/Gallmeister – 2014 (313 pages) Lu en octobre 2024 …

10 commentaires

  1. On peut ajouter un défaut à ce livre: on n’ose plus dire qu’on a lu Shades of Grey de Jasper Fforde…. Et pourtant c’est bon contrairement aux 50 autres.

    • Ah oui, sans doute! Je ne connais pas cet « homonyme », apparemment c’est de la SF, ce qui n’est pas trop ma tasse de thé. Heureusement pour l’auteur, le titre français est bien différent…

      • En France ou en Belgique oui mais pas ici où grâce au bilinguisme on peut lire l’auteur dans sa langue d’écriture. D’ailleurs essayez de googler shades of grey et vous verrez la catastrophe que cela engendre.
        J’aime la SF parce que cela repousse les limites du quotidien et passionnée par la nature humaine, cela permet de créer des environnements improbables générateurs de comportements surprenants. Remarquez, il y a certains livres qui y arrivent sans avoir à créer d’univers dystopien. Je viens d’en lire un: thinner than skin (seconde peau en français je crois) de uzma aslan khan. Vous avez lu?

        • Non, je n’avais jamais entendu parler d’Uzma Aslan Khan. Son oeuvre a l’air assez confidentielle de ce côté de l’Atlantique (on en parle à peine sur Babelio… 😉 ) Mais je viens d’en lire la présentation sur le site de l’éditeur, et cela a l’air très intéressant. Merci pour le tuyau!

  2. C’est bien le genre de… de quoi d’ailleurs… de roman ? que je ne lirais jamais. Non, même pas pour me faire ma propre opinion. Je déteste le racolage, sous toutes ses formes.

  3. Mhouhahahaha, au moins, ce roman me fait rire dans les copinautes qui l’ont lu et qui le cassent en bonne et due forme !! 😀

  4. Je suis en train de lire, car, au vu du succès, j’ai pensé, naïvement, qu’il serait exceptionnel ! Vivement la fin car, putain de bordel de merde, qu’est-ce que c’est nul ! Pas pour moi les 3 autres !!!