Auteure: Amélie Nothomb
Editeur: Albin Michel – 2003 (160 pages)/Le Livre de Poche – 2005 (157 pages)
Lu en janvier 2025
Mon avis: A 16 ans, Blanche étudie déjà à l’université. Si elle est intellectuellement précoce, cette jeune fille timide et effacée est loin d’être aussi douée question relations sociales.
La solitude de Blanche prend fin le jour où Christa déboule dans l’amphithéâtre et dans sa vie. Christa a un tempérament à l’exact antipode de celui de Blanche, sociable, solaire, populaire, brillante. A la grande surprise et au grand bonheur de Blanche, Christa fait d’elle sa meilleure amie. Eperdue de reconnaissance, Blanche lui propose de l’héberger pendant la semaine, pour lui épargner de longs trajets en train.
Mais Blanche ne va pas tarder à déchanter : sous son épais vernis de charisme, Christa dissimule une manipulatrice envahissante et intéressée qui, côté pile, humilie et maltraite son amie (lire : son nouveau jouet) et, côté face, est tout miel et tout sucre, se mettant dans la poche les parents de Blanche, qui en arrivent à dénigrer leur propre fille trop falote en comparaison de l’éclatante Christa.
Lucide mais démunie, Blanche va devoir se défendre seule pour éviter la destruction.
Relation perverse et malsaine de fausse amitié, emprise, manipulation, hypocrisie sont au cœur de « Antéchrista ». Au fond, ce roman parle du besoin des ados (et de tous les êtres humains) de se sentir reconnus, approuvés, acceptés par leurs pairs. Un besoin d’autant plus viscéral qu’on se sent soi-même inexistant, invisible, décalé, en manque d’estime et de confiance en soi. Et plus ce besoin est grand, plus on risque d’être la cible de profiteurs, manipulateurs, harceleurs, abuseurs.
Comme souvent chez Amélie Nothomb, le trait est forcé, exagéré. Tout n’est peut-être pas totalement vraisemblable, et la chute laisse un peu sur sa faim. Mais le ton incisif et cruel sonne néanmoins très juste, et résonnera sans doute, plus ou moins douloureusement, chez ceux/celles qui ont un jour connu des tourments semblables à ceux de Blanche, dans leur jeunesse et/ou au-delà.
#LisezVousLeBelge
Présentation par l’éditeur:
Avoir pour amie la fille la plus admirée de la fac, belle, séduisante, brillante, enjouée, audacieuse? Lorsque Christa se tourne vers elle, la timide et solitaire Blanche n’en revient pas de ce bonheur presque écrasant. Elle n’hésite pas à tout lui donner, et elle commence par l’installer chez elle pour lui épargner de longs trajets en train.
Blanche va très vite comprendre dans quel piège redoutable elle est tombée. Car sa nouvelle amie se révèle une inquiétante manipulatrice qui a besoin de s’affirmer en torturant une victime. Au point que Blanche sera amenée à choisir : se laisser anéantir, ou se défendre.
Comptons sur la romancière de Stupeur et tremblements (Grand Prix du roman de l’Académie française) et de Robert des noms propres pour mener à son terme cet affrontement sans merci, et nous donner du même coup un livre incisif, à la fois cruel et tendre, sur les douleurs de l’adolescence.
Quelques citations:
– Pourquoi méprisaient-ils leur enfant? Leur affection pour moi avait-elle si peu pesé?
Je ne leur avais pourtant causé aucun problème. En seize années, personne ne s’était plaint à mon sujet et je ne leur avais jamais reproché de m’avoir donné la vie, qui, cependant, ne m’avait pas encore montré en quoi elle valait le détour.
Je me rappelai soudain la parabole de l’enfant prodigue: déjà, dans la bouche du Christ, les parents préféraient l’enfant qui s’était mal conduit. A fortiori, dans la bouche de Christa. Peut-être le Christ et Christa prêchaient-ils pour leur chapelle: l’enfant prodigue, c’était eux. Et moi, j’étais le déplorable enfant sage, celui qui n’a pas eu l’habileté de signaler, par ses turbulences, par ses fugues, par ses impertinences, par ses insultes, qu’il méritait hautement l’amour de son père et de sa mère.
– Ceux qui croient que lire est une fuite sont à l’opposé de la vérité: lire, c’est être mis en présence du réel dans son état le plus concentré – ce qui, bizarrement, est moins effrayant que d’avoir affaire à ses perpétuelles dilutions.