samedi , 18 mai 2024

Article 353 du Code pénal

Auteur: Tanguy Viel

Editeur: Les Editions de Minuit – 2017 (176 pages)

Granx Prix RTL-Lire 2017

Lu en septembre 2017

Mon avis: « Article 353 du Code pénal », voilà un titre qui a de quoi interpeller mon âme de juriste. Quel genre de roman peut-on bien cacher derrière une disposition légale, texte anti-romanesque s’il en est, technique, froid, mécanique ? Un roman sur un homme aux prises avec la Justice pour en avoir tué un autre, et qu’on nous présente assis dans le bureau du juge d’instruction devant lequel il plaide sa cause. Enfin, plaidoyer n’est pas le mot exact. Martial Kermeur ne nie pas, ne tire pas les ficelles de la procédure à coup de circonstances atténuantes. Il raconte simplement son histoire, l’arsenal qui a fermé, la prime qu’il a touchée, l’aubaine d’investissement immobilier vendue par Antoine Lazenec, l’arnaque qui ne tarde pas à se révéler, sa femme qui le quitte, son fils qui tourne mal, les mensonges et l’arrogance de Lazenec, et lui qui, à bout, le balance par-dessus bord dans la rade et ne le sauve pas de la noyade. Tout un monologue de mots et d’images, justes et simples, les gens comme Kermeur n’emploient pas de grandes phrases compliquées, pas comme Monsieur le Juge ; des réflexions et des interrogations, une vie entière déballée sans drame ni larmes, devant un magistrat qui intervient peu mais n’en pense pas moins. Après tout, c’est à lui qu’il reviendra d’appliquer le fameux article 353 (du Code de procédure pénale, pour être précise – âme de juriste, je vous l’avais dit) et de se forger une intime conviction en fonction de laquelle il décidera de la qualification juridique à donner aux faits commis par Kermeur (accident, crime, préméditation ou non,…).

Un huis-clos éprouvant entre deux hommes dont l’un représente l’humanité dans tout ce qu’elle a de faillible, et l’autre qui incarne la Justice, censée implacable (tel crime, telle sanction), ne serait-ce cette fameuse « intime conviction » du juge et la liberté d’interprétation des faits qu’elle lui confère.

On se laisse emporter, aspirer par le flux et le reflux de cette confession, qui va et vient entre les époques et navigue à vue sans feuille de route, un monologue improvisé, sans structure, qui fonctionne presque par association d’idées, de faits bruts en hypothèses, réflexions psychologiques et observations sur la nature. Les mots s’écoulent en vagues qui lèchent les brise-lames de la morale et de la responsabilité et qui déposent sur la plage la vertigineuse question de la vérité. Quelle vérité ? Celle du coupable, de la victime, du juge, de la société ? Celle du lecteur, peut-être…

Présentation par l’éditeur:

Pour avoir jeté à la mer le promoteur immobilier Antoine Lazenec, Martial Kermeur vient d’être arrêté par la police. Au juge devant lequel il a été déféré, il retrace le cours des événements qui l’ont mené là : son divorce, la garde de son fils Erwan, son licenciement et puis surtout, les miroitants projets de Lazenec. Il faut dire que la tentation est grande d’investir toute sa prime de licenciement dans un bel appartement avec vue sur la mer. Encore faut-il qu’il soit construit.

Evaluation :

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Un commentaire

  1. Une lecture remuante qui doit nous faire réfléchir… Intéressant !