Auteurs: Óscar et Juan José Martínez
Editeur: Métailié – 20 février 2020 (336 pages)
Lu en février 2020
Mon avis: Le Salvador est depuis bien longtemps un pays où règne la violence, le n°1 au palmarès des pays les plus meurtriers au monde. Et la violence engendre la violence, c’est du moins ce que les auteurs démontrent dans ce document, qui retrace le parcours de El Niño de Hollywood, nom de guerre de Miguel Ángel Tobar, membre du gang ultra-violent de la MS 13 (Mara Salvatrucha 13).
Dans les années 80, fuyant la guerre civile, de nombreux Salvadoriens des deux bords (soldats ou guérilleros) se sont exilés aux États-Unis, à Los Angeles en particulier. Pour faire front aux vexations infligées par les gangs mexicains déjà bien implantés, ils se sont eux-mêmes regroupés en « maras », cliques à la base des deux principaux gangs salvadoriens aux USA, la MS 13 et le Barrio 18. Au début, le point commun de ces jeunes gars était d’écouter du heavy metal, de porter de chouettes fringues et de se faire tatouer un tas d’insignes sur le corps. Mais bientôt il leur a paru nécessaire, à la fois de se différencier des autres cliques, et de créer un fort sentiment d’appartenance. La solution : haïr l’autre puisqu’il n’appartient pas à mon groupe et qu’il est donc différent. C’est ainsi que naquit la rivalité mortelle entre MS 13 et Barrio 18, où le seul fait d’appartenir à l’un des deux suffit pour tuer (ou être tué par) ceux de l’autre.
Puis Reagan arriva à la présidence et les expulsions d’illégaux furent mises à la mode. Beaucoup de Salvadoriens furent ainsi renvoyés au pays, dont des « mareros », qui n’oublièrent de rapatrier avec eux leur rivalité. Une fois rentrés, les leaders reconstituèrent deux armées en recrutant Miguel Ángel et ses congénères, gamins paumés des villes et des campagnes (les « enfants de personne »), et la violence ne connut plus de limites…
Si les auteurs (un journaliste et un anthropologue) sont parvenus à rencontrer Miguel Ángel alias El Niño de Hollywood, l’un des tueurs les plus prolifiques de la MS 13, c’est parce que celui-ci a trahi les siens. Devenu « témoin privilégié » (càd protégé par les autorités salvadoriennes, càd très théoriquement, faute de moyens), il a accepté de témoigner dans divers procès pour meurtres, enlèvements, tortures et autres crimes, commis par ses ex-compagnons, en échange de l’immunité pour lui-même. Pendant des heures d’interview dans sa maisonnette misérable, les deux auteurs l’ont écouté raconter ses faits d’armes pour le compte de la MS 13, le pourquoi et le comment de sa trahison, sa certitude de mourir bientôt des mains vengeresses de son ancien gang.
Une histoire de la violence, d’une violence infernale et sans fin, sur laquelle les autorités se cassent les dents, quand elles ne contribuent pas à son émergence. Parce que dans cette enquête en rouge et noir, sans états d’âme, on comprend effectivement « comment les USA et le Salvador ont créé le gang le plus dangereux du monde », le « seul gang faisant partie de la liste noire du département du Trésor des États-Unis ». Un ouvrage très intéressant, grâce auquel j’ai beaucoup appris. Mais je pense que le texte aurait gagné à être moins répétitif et à respecter davantage la chronologie : il est facile de se perdre entre les multiples noms de tous les « sous-gangs », et par moments les digressions et les allers-retours entre présent et passé ajoutent à la confusion.
En partenariat avec les Editions Métailié.
Présentation par l’éditeur:
Quelle est la relation entre le gouvernement de Ronald Reagan et un membre d’un gang en Amérique centrale qui a assassiné plus de 50 personnes ?
Quel est le lien entre la Californie et le fait que le Salvador soit le pays le plus meurtrier au monde ?
Comment un groupe d’immigrés à Los Angeles – fans absolus de heavy metal – est devenu l’embryon du gang le plus dangereux de monde ?
Dans ce document poignant de réalité, les frères Óscar et Juan José Martínez – l’un reporter, l’autre anthropologue – racontent la vie de Miguel Ángel Tobar, dit El Niño de Hollywood, un tueur sanguinaire appartenant au seul gang faisant partie de la liste noire du département du Trésor aux Etats-Unis, la Mara Salvatrucha 13. Cette histoire brutale du Niño de Hollywood permet surtout aux auteurs de livrer les dynamiques sous-jacentes du phénomène des gangs aux Etats-Unis et en Amérique centrale, et de montrer comment des processus globaux construisent une infinité d’histoires microscopiques qui ont, elles, des conséquences bien réelles.
Entre thriller, récit documentaire et enquête historique, les auteurs nous plongent au cœur des ténèbres – peuplées de mysticisme, codes d’honneur, tatouages et trahisons – pour essayer de déchiffrer les racines d’une violence qui semblerait inexplicable mais qui ne l’est pas. Des mauvaises décisions, des décisions stupides ont été prises et personne ne semble avoir conscience des erreurs. La fin d’une guerre n’est pas nécessairement le début de la paix.
A travers des scènes d’une réalité féroce, nourries par des centaines d’heures d’interviews et de terrain, les frères Martínez font honneur à la terrible réponse qu’ils ont donné au Niño de Hollywood lorsque celui-ci leur a demandé pourquoi ils s’intéressaient à lui : « Parce que, malheureusement, nous croyons que ton histoire est plus importante que ta vie… »