jeudi , 25 juillet 2024

La Maligredi

Auteur: Gioacchino Criaco

Editeur: Métailié – 3 juin 2022 (320 pages)

Lu en juin 2022

Mon avis: Il était une fois, dans les montagnes de l’Aspromonte en Calabre, un petit village du nom d’Africo, dont les habitants, jusqu’en 1951, subsistaient grâce à l’élevage de chèvres et de moutons.

Jusqu’en 1951 seulement, parce que cette année-là, des inondations détruisirent le village, et obligèrent les autorités à bâtir dans l’urgence un nouveau village, cette fois sur la côte, pour y reloger les habitants. C’est ainsi que naquit Africo Nuovo, bourgade cependant de si peu d’importance que la plupart des trains ne s’y arrêtent pas mais ne font que ralentir, le temps pour les écoliers de les attraper au vol. Un seul train par jour marque un véritable arrêt à Africo : celui qui emporte les hommes vers le Nord, à Milan ou au-delà des frontières, à la recherche d’un travail qui nourrira leurs familles.

Car la vie à Africo et dans le reste de l’Aspromonte n’a jamais été facile. La misère règne dans cette région reculée et oubliée du pouvoir central. Les hommes sont au loin et, en attendant qu’ils reviennent (quand ils reviennent), les femmes triment comme des acharnées pour remplir les ventres de leurs enfants.

Et pendant ce temps, ces enfants, tels Nicolino et ses amis Antonio et Filippo, font les 400 coups avec les autres gamins du village.

Jusqu’au jour où on leur propose un petit boulot, simple mais suspect, contre une importante somme d’argent. Puis un autre, et encore un autre, de moins en moins simples et de plus en plus suspects, contre de plus en plus d’argent.

Jusqu’à ce que les trois compères manquent de peu de se faire pincer par les carabiniers.

Alors ils quittent les rangs des petits délinquants pour entrer dans ceux d’un révolutionnaire communiste local, qui cherche à donner à Africo et ses habitants une vie meilleure, en affrontant à la fois les autorités, les patrons cupides et la mafia. Autant dire un utopiste, et autant dire que cela ne sera, au final, pas un succès…

L’auteur est né à Africo Nuovo en 1965, et sait de quoi il parle. Cela se ressent dans ses descriptions des traditions religieuses et païennes, de la culture politique locale, de la vie de ces quartiers pauvres mais solidaires, où tout se sait, où tout le monde s’épie et où les rumeurs vont bon train.

A hauteur d’adolescence, Gioacchino Criaco raconte l’histoire de ces gamins attachants et de leurs tentatives plus ou moins concluantes de survivre dans cet endroit déshérité, où la mafia contrôle tout et voit d’un mauvais œil qu’on vienne marcher sur ses plates-bandes. Le côté lyrico-mythique de certains passages ne m’a pas toujours convaincue, mais « La Maligredi », à la fois roman (ou récit) épique et social, dresse un magnifique et âpre portrait de l’Aspromonte, de sa Nature et de ses habitants. Il rend également un hommage touchant aux fières « mères calabraises » et à « ceux qui ont tout risqué pour nous donner un monde meilleur ».

En partenariat avec les Editions Métailié.

Présentation par l’éditeur:

Dans les monts de l’Aspromonte calabrais, Africo est un bourg dont la population turbulente a été déportée sur la côte malsaine et marécageuse par les autorités sous prétexte d’un danger d’éboulement. Niccolino, un adolescent, nous raconte cet endroit marqué par la pauvreté et l’abandon, où même les trains ne s’arrêtent pas, ils ralentissent juste pour que les collégiens puissent les prendre au vol.
La vie est réglée sur les allées et venues des hommes entre le bourg et les villes, tout le monde surveille tout le monde, les petits trafics et le militantisme politique occupent les esprits. Les hommes travaillent en Allemagne, les mères luttent contre la misère, elles gardent le souvenir et la fierté de l’ancien village, de la grève des cueilleuses de jasmin, tandis que les mafias sont à l’affût.

Le récit, porté par une bande de jeunes gens cherchant à faire les 400 coups, entre fêtes, rites religieux, solidarité et risque de désagrégation sociale, se développe entre épopée et polar, roman social et lyrisme païen, dans une nature sublime. 

Evaluation :

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