vendredi , 17 mai 2024

L’ombre de ce que nous avons été

Auteur: Luis Sepúlveda

Editeur: Métailié – 2010 (160 pages)

Lu en octobre 2021

Mon avis: Qu’ont-ils donc été, ces trois vieux types qui en attendent un quatrième dans un hangar de Santiago, par une nuit de pluie sans fin ? Ils ont été trois militants gauchistes, fervents partisans de Salvador Allende, qui ont payé cher leur loyauté à leurs idéaux, en passant par la case prison sous Pinochet puis celle de l’exil en Europe. Trente-cinq ans plus tard, de retour dans leur pays, ils savent qu’ « On ne revient pas de l’exil, toute tentative est un leurre, le désir absurde de vivre dans le pays gardé dans sa mémoire. Tout est beau au pays de la mémoire, il n’y a pas de dommages au pays de la mémoire, pas de tremblement de terre, et même la pluie est agréable au pays de la mémoire. C’est le pays de Peter Pan, le pays de la mémoire« . Mais malgré leurs désillusions, il leur reste un brin d’espoir, d’utopie et d’envie de revanche. Alors ils ont décidé de préparer un dernier coup, un dernier baroud en l’honneur de leurs frères d’armes disparus et des générations sacrifiées par la dictature. Ils ont besoin pour cela du « Spécialiste », le quatrième larron qu’ils attendent. Mais le destin est un vilain farceur, le Spécialiste n’arrivera pas, victime d’un tourne-disques jeté d’un balcon au moment où il passait dessous. Un quatrième personnage, invité surprise, viendra néanmoins en renfort. Et évidemment, ce serait trop simple si la police ne s’en mêlait pas. Mais avec un peu de chance, ses représentants seront peut-être intègres, pour une fois…

Cocasse, nostalgique, cruel, attachant, ce roman est un hommage aux perdants, au peuple chilien, aux générations passées brisées par la dictature, et aux actuelles, qui en portent toujours le poids. C’est aussi une charge virulente contre des autorités qui continuent à occulter le passé et à profiter de cet héritage, qui ne rendent pas justice aux victimes, et contribuent à la division d’un pays qui ne parvient pas à se réconcilier avec son histoire. Un roman profondément sincère et humain, qui touche au cœur.
« Je suis l’ombre de ce que nous avons été et nous existerons aussi longtemps qu’il y aura de la lumière.« 

Présentation par l’éditeur:

Dans un vieil entrepôt d’un quartier populaire de Santiago, trois sexagénaires attendent avec impatience l’arrivée d’un homme, le Spécialiste.
Tous trois anciens militants de gauche, condamnés à l’exil par le coup d’État de Pinochet, se retrouvent trente-cinq ans après pour participer à une action révolutionnaire organisée par le Spécialiste.
Mais alors que celui-ci se dirige vers ce rendez-vous, il est tué de façon grotesque, frappé par le destin sous la forme d’un tourne-disque jeté par une fenêtre au cours d’une dispute conjugale.
Tout le plan tombe à l’eau jusqu’au moment où ressurgit dans la mémoire des complices l’expression favorite du Spécialiste : « On tente le coup ? »
L’auteur nous propose les portraits cocasses et attachants de trois héros cassés par l’Histoire récente et l’exil, mais qui n’ont perdu ni leur humour ni leur capacité de croire en un rêve.
Ce roman est un exercice de virtuosité littéraire au service d’une histoire émouvante et sombre jouée par des perdants. Un roman écrit avec le cœur et l’estomac, pour toucher, faire rire et penser.

 

Evaluation :

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