mercredi , 15 mai 2024

Le coeur à l’échafaud

Auteur: Emmanuel Flesch

Éditeur: Calmann-Lévy – 6 janvier 2021 (288 pages)

Lu en janvier 2021

Mon avis: La quatrième de couverture nous annonce d’emblée que Walid Z. est jugé devant la Cour d’assises de Paris, et qu’il risque la guillotine. Là, forcément, on se dit qu’on va lire une histoire datant d’avant 1977. Puis on entre dans le roman en même temps que dans le palais de justice, sur les pas de Blaise, futur juré au procès. Et on comprend bientôt que Walid est accusé du viol de la mère de sa copine.
Oui mais… depuis quand un viol est-il passible de la peine de mort ? On poursuit donc la lecture avec un sourcil levé, et on découvre que, loin de se dérouler au siècle passé, le roman est tout à fait contemporain, et même carrément dystopique, projeté dans un futur assez proche pour nous sembler familier.
Le deuxième sourcil se lève alors : donc, la peine de mort a été restaurée en France et est désormais aussi applicable aux condamnés pour viol ?
Puis arrive l’explication : « le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle […] la loi ajoute que le viol est puni de la peine de mort, lorsqu’il est commis par une personne agissant sous l’impulsion d’un racisme anti-français« .
Mais qu’est-il donc arrivé à cette pauvre France ?
Une pandémie, qui a détruit l’économie et la solidarité.
Des élections présidentielles où, cette fois, l’extrême-droite a gagné.
Et donc, cette nouveauté dans le Code pénal : le racisme anti-français comme circonstance aggravante.

Si le roman est centré sur le déroulement du procès, les effets de manche et les passes d’armes entre l’accusation et la défense et les ambitions carriéristes des acteurs du procès, l’interrogatoire de l’accusé et des témoins mené par le Président de la Cour est prétexte aux flash-backs dans l’histoire de Walid, 26 ans, et au récit de l’enchaînement des causes et des effets ayant mené à la commission du crime présumé. Le passé de l’accusé, son journal intime, ses déclarations, ses attitudes, ses silences, tout est décortiqué à la virgule près, jusqu’à l’absurde, on en deviendrait paranoïaque.
La tâche s’annonce ardue pour les jurés, qui devront d’abord décider s’il y a bien eu viol (avec la problématique du consentement), et ensuite, s’il était accompagné du fameux « racisme anti-français ». Soit une décision autant déterminée par les faits objectifs et prouvés, que par la perception subjective des événements par chaque juré, qui risque bien, dans cette « nouvelle France », d’être influencé par ses convictions politiques – réelles ou opportunistes.
« Le cœur à l’échafaud » est un roman choral très bien construit et très bien écrit, fluide et captivant, encore plus quand on est juriste, me semble-t-il. Il n’en reste pas moins qu’il est d’autant plus glaçant que son hypothèse de départ n’apparaît pas/plus aussi surréaliste que cela. Un roman en forme d’avertissement ?

En partenariat avec les Editions Calmann-Lévy via Netgalley.
#LeCoeuràléchafaud #NetGalleyFrance

Présentation par l’éditeur:

Cour d’assises de Paris. Walid Z., un jeune de quartier parvenu par de brillantes études à se hisser jusque dans l’intimité de la bourgeoisie parisienne, risque la peine de mort par décapitation.
Que vient faire la guillotine dans ce décor si familier ?
Pendant trois jours, les témoins se succèdent à la barre. À mesure que s’esquisse le portrait d’un ambitieux et qu’on interroge sa culpabilité, se dévoile une autre France, parfaitement crédible, où l’extrême droite a pris le pouvoir. Implacable, ce roman choral se déploie comme la suite tragique de notre « roman national » – son ultime chapitre.

Evaluation :

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