Auteur: Sandro Veronesi
Éditeur: Grasset – 13 janvier 2021 (384 pages)
Lu en janvier 2021
Mon avis: Le colibri, c’est Marco Carrera, 40 ans en 1999, ophtalmologue romain, ainsi surnommé par sa mère dans son enfance en raison d’un retard de croissance.
Le roman s’ouvre sur une scène de 1999, précisément, dans laquelle sa vie nous est d’emblée retracée dans ses grandes lignes, au travers d’un dialogue entre Marco et le psychanalyste de sa femme Marina, lequel passe allègrement les bornes de la déontologie de sa profession pour prévenir Marco des potentielles foudres vengeresses de ladite Marina, jalouse. Jalouse ? Oui, car Marco a une maîtresse, Luisa. Enfin, une amoureuse quasi-platonique rencontrée à l’adolescence, qu’il revoit chaque été, et avec laquelle il correspond épisodiquement depuis tout ce temps, sans qu’aucun des deux n’ait franchi le pas du divorce pour vivre cet amour au grand jour.
Il y a/a eu/aura d’autres femmes dans la vie de Marco : sa sœur, sa fille, sa petite-fille. Et son frère, qui ne lui adresse plus la parole depuis 20 ans, et ce psychanalyste, donc, qui finit par abandonner divan et patients névrosés pour travailler dans l’humanitaire, et qui devient, au fil du temps, le confident de Marco.
La vie de ce dernier n’aura pas été la plus heureuse, pas la plus triste non plus, et le « colibri » aura connu des joies, des peines, de l’amour, des conflits, des difficultés, des petits et des grands malheurs, et deux grandes tragédies. Mais il aura tenu bon.
Tout cela nous est raconté en éclatant complètement la chronologie, qui court de 1960 à 2030, en utilisant à la fois narration classique, dialogues, e-mails, lettres, textos, et en distillant savamment les éléments dramatiques, qui sont révélés juste à point, ni trop tôt ni trop tard. La veine est tragi-comique, la langue magnifique, faite (en partie) de longues phrases envoûtantes. L’exercice de style, virtuose, est très réussi.
Un très bel emballage pour un contenu qui me laisse cependant perplexe. Je ne sais pas ce que l’auteur a voulu dire avec cette métaphore du colibri, mais elle ne me semble pas filée de façon cohérente. Le colibri a ceci de remarquable qu’il bat frénétiquement des ailes pour rester immobile. Ainsi aurait procédé Marco tout au long de sa vie : déployer une énergie folle pour rester lui aussi immobile et résister ainsi aux drames de son existence. Moui… à supposer que cela soit extraordinaire (est-ce que la plupart des gens ne passent pas leur temps, justement, à affronter les difficultés de la vie, à tomber et à s’en relever, à des degrés divers?), la démonstration est bancale : Marco n’est pas « immobile », il ne reste pas de marbre, impassible. Il tombe, se relève, agit, réagit, ou n’agit pas, mais il avance, quoi qu’il (ou l’auteur) en pense, parce que simplement il n’est pas possible de faire autrement. On peut croire qu’on reste passif, qu’on n’agit pas sur notre propre destin, qu’on laisse faire. Mais ne rien faire est aussi une décision, et en tout état de cause le monde ne s’arrête pas de tourner, et par ce simple fait, il continue à agir sur nous et à modifier notre univers. Rien n’est jamais figé et l’ « immobilité » de Marco (qui contraste d’ailleurs avec le chaos de la narration) est une illusion, un leurre. Bref l’intention de l’auteur m’échappe, et/ou alors je n’ai rien compris.
En partenariat avec les Editions Grasset via Netgalley.
#Lecolibri #NetGalleyFrance
Présentation par l’éditeur:
Marco Carrera est le « colibri ». Comme l’oiseau, il emploie toute son énergie à rester au même endroit, à tenir bon malgré les drames qui ponctuent son existence. Alors que s’ouvre le roman, toutes les certitudes de cet ophtalmologue renommé, père et heureux en ménage, vont être balayées par une étrange visite au sujet de son épouse, et les événements de l’été 1981 ne cesseront d’être ravivés à sa mémoire.
Cadet d’une fratrie de trois, Marco vit une enfance heureuse à Florence. L’été, lui et sa famille s’établissent dans leur maison de Bolgheri, nichée au sein d’une pinède de la côte Toscane. Cette propriété, qui devait symboliser le bonheur familial, est pourtant le lieu où va se jouer le drame dont aucun membre de la famille Carrera ne se relèvera tout à fait. En cet été 1981, celui de ses vingt-deux ans, se cristallisent les craintes et les espoirs de Marco qui devra affronter la perte d’un être cher et connaîtra un amour si absolu qu’il ne le quittera plus.
Grâce à une architecture romanesque remarquable qui procède de coïncidences en découvertes, Veronesi livre un roman ample et puissant qui happe le lecteur dans un monde plus vrai que nature où la vie, toujours, triomphe.
Une citation:
[Adele, qui vient d’accoucher, à son père:]
– « Tu as vu, papa? Beau début. L’Homme du Futur est une femme. »