Auteur: Marie-Sabine Roger
Éditeur: Le Rouergue – 2008 (217 pages)
Lu en décembre 2020
Mon avis: « La tête en friche« , c’est l’histoire d’une rencontre, dans un parc, entre Germain et Margueritte. Ils ne vont pas se conter fleurette, non, mais ils vont, ensemble, compter les pigeons.
Pour commencer.
Parce que après, Germain, 45 ans, et Margueritte, 86, vont peu à peu faire connaissance, se raconter leurs vies, et de ces conversations vont émerger des échanges et une tendresse authentiques.
La tête en friche, c’est celle de Germain, enfant mal aimé, de père inconnu, brimé par sa mère, humilié par certains instituteurs, par d’autres enfants. Quasi analphabète, il mène sa petite vie tranquillement, entre ses potes de bistrot et sa copine Annette, entre des petits boulots, la pêche et son potager.
Oui, Germain cultive des légumes, mais n’a jamais songé à cultiver sa tête, se croyant (ah les fausses croyances que certains adultes indignes mettent dans la tête des enfants…) trop bête pour ça. Avec Margueritte, Germain va pourtant comprendre qu’il n’est pas bête. Non, inculte, ça veut juste dire « qui n’est pas cultivé », rien à voir avec un manque d’intelligence. Ca veut dire « en friche ». Et sa tête en friche, à Germain, Margueritte va se mettre à y planter quelques graines. Elle, l’ancienne agronome qui a voyagé à travers le monde, en connaît un rayon, question culture. Alors elle sème chez Germain quelques pages de littérature, Camus, Gary, Sepúlveda. Elle sème des noyaux de culture, mais surtout des graines d’intérêt pour la connaissance en général et la lecture en particulier. Et, soit qu’elle a la main verte, bienveillante et dépourvue de jugement, soit que la tête de Germain est un terreau particulièrement fertile et avide d’engrais, (soit les deux), mais l’esprit de celui-ci s’éveille. Bien sûr, après un sommeil aussi long, il est encore un peu engourdi, alors quand Germain se met à filer des métaphores, c’est parfois tellement décalé que ça prête à sourire, mais jamais à se moquer.
Quelle belle histoire que celle de Margueritte et Germain, pas du tout gnangnan ou moralisatrice. De la tendresse, de la confiance, de l’humour, de l’amour « petit-filial ». Le parallèle est joli entre la culture de la terre et celle de l’intellect, les deux ont un meilleur rendement si on y met de la générosité et de la persévérance. Margueritte, 45 kg de tact et de délicatesse sans un gramme de condescendance, et Germain, un colosse de 100 kg brut de décoffrage, naïf, mais un cœur tendre et un vrai gentil.
Une rencontre improbable ? Peut-être. Mais cette fiction est écrite avec tant d’intelligence qu’elle apporte de la légèreté et des sourires bien réels.
Présentation par l’éditeur:
A quarante-cinq ans, Germain mène une vie de brute paisible, retrouvant ses amis au bistrot la journée et dormant le soir dans une caravane au fond du jardin de sa mère. Son autre distraction : compter les pigeons du parc. C’est là qu’il fait la connaissance de la très vieille mais très pétillante Margueritte, grande lectrice devant l’Éternel. Leur rencontre sous l’égide de la lecture bouscule doucement leur vie, et Germain découvrira peu à peu par les livres le monde qui l’entoure. Racontant l’histoire d’une drôle d’amitié, ce roman rend hommage avec beaucoup d’humour et de tendresse au plaisir de la lecture.
Quelques citations:
– Landremont, qui aime bien les phrases, il répète souvent, Ce qui ne te tue pas te rend plus fort.
Alors c’est ça la vie: ou t’es fort, ou t’es mort?
Tu parles d’un choix à la con.
– L’affection, ça grandit sous cape, ça prend racine malgré soi et puis ça envahit pire que du chiendent. Ensuite c’est trop tard: le cœur, on ne peut pas le passer au Roundup pour lui désherber la tendresse.