Auteur: Hugo Claus
Editeur: Editions de Fallois – 1997 (237 pages)
Lu en novembre 2022
Mon avis: Bousekerke, village de Flandre Occidentale profonde, vers la fin des années 60.
On dit que René, le fils Catrysse, est revenu du Congo. Il aurait déserté l’armée ex-coloniale pour se faire mercenaire. Il aurait vu et commis des choses barbares. Il paraît qu’il est salement amoché et malade.
Pas étonnant qu’il ait mal tourné, le gamin, avec une famille pareille. Un père qui aurait collaboré, une mère qui aurait fricoté avec l’Allemand, un frère un peu benêt depuis une chute à vélo…
D’ailleurs, d’après Monsieur le Curé, il est pas sur la voie de la rédemption, le René. Il paraît qu’il est toujours en contact avec ses potes déserteurs, et qu’ils complotent pour un attentat ou un trafic de diamants… A moins que la Julia, elle le fasse rentrer dans le droit chemin (celui qui conduit entre ses cuisses ha ha ha), pour lui calmer ses ardeurs. Elle est pas farouche, la petite. Sa sœur non plus, paraît-il. Pourtant on dit que le facteur ne la trouve pas à son goût, elle serait déjà trop vieille pour ce polisson…
Voilà le genre de conversations dont on se repaît et se délecte au Pot-aux-Roses, le bistrot de Bousekerke, quartier général de la Rumeur. On y prêche le vrai et le faux sans se préoccuper d’authenticité, puis on répand et on colporte à travers villes et campagnes.
Et quand une épidémie étrange et inexpliquée s’abat sur la bourgade, envoyant des dizaines d’habitants goûter les pissenlits par leurs racines, au Pot-aux-Roses on s’interroge, on constate, on conjecture, on suppute, on déduit, on raisonne, on suggère, on affirme, on proclame : « c’est forcément la faute au René ! »
Et puis ?
Et puis voilà, René ne sera pas pour autant lynché par la populace, mais l’épidémie s’éteindra quand même avec la disparition du bouc émissaire, mais à la suite d’autres troubles événements.
Mais alors quoi, cette Rumeur ? Alors oui, elle tient un rôle, mais sans grands tambours ni trompettes, ni grandes conséquences, et le roman porte mal son titre. Je n’ai pas compris l’importance de cette Rumeur, alors que le titre laissait supposer qu’elle jouerait un rôle central, accusateur, étouffant, écrasant, destructeur, sur sa victime, laquelle s’en fiche éperdument.
Elle est plutôt le prétexte pour l’auteur de tirer le portrait d’une certaine Flandre, en forçant sur le trait et les stéréotypes. Si c’est de l’ironie, alors la plume d’Hugo Claus est grinçante et dézingue tous azimuts la bêtise humaine, la collaboration, les ploucs « civilisés » passés du côté de la « sauvagerie ». Peinture sociale, « La Rumeur » est un roman féroce, gaillard, paillard, leste et glauque, qui parle sans complaisance des travers humains : la peur, la jalousie, la convoitise, la mesquinerie, la violence, le mensonge. Une lecture peu agréable et pas inoubliable.
Présentation par l’éditeur:
« Chez nous, a dit un jour Hugo Claus, la corruption est monnaie courante. C’est pourquoi, quand un scandale éclate au grand jour, nous sommes plus frappés que partout ailleurs ».
La Rumeur est un de ces romans où Claus met en scène la » Flandre profonde « , avec l’œil aigu d’un grand peintre et l’humour ravageur qui le caractérise.
A la fin des années soixante, la prospérité matérielle dissimule une grande misère morale. Dans le village de Bousekerke éclate une épidémie mystérieuse. Plus les faits sont inexpliqués, plus les explications foisonnent.
Des dizaines d’habitants sont successivement touchés par la malédiction. A mesure que la liste des victimes s’allonge, la rumeur s’enfle, elle va, elle vient, elle repart, elle devient folle et stupide.
Le carrefour en est le bistrot Le Pot-aux-Roses qui est la scène de tous les chapitres intitulés Nous, ce sont les habitués du café, qui jouent ici le rôle du chœur antique, annonciateur et commentateur des événements, mais un chœur à la fois comique et bête à pleurer, à force de prétendu bon sens.
Chaque fois qu’une communauté est touchée par un malheur, elle se met en quête d’un bouc émissaire. Ce sera René Catrysse, revenu malade et épuisé d’un long séjour comme mercenaire en Afrique. Avec lui, Claus trouve l’occasion de nous faire quelques portraits acides et cruels de ces fameux » soldats perdus » dans la tourmente africaine.
Le rythme est vif, la plume caustique, la profondeur psychologique remarquable, mais sans analyses ni longs commentaires : les personnages se révèlent dans quelques actes caractéristiques et dans un dialogue dont la qualité nous rappelle que Claus est aussi un maître du théâtre.