jeudi , 3 octobre 2024

Le roman du mariage

Auteur: Jeffrey Eugenides

Editeur: Points – 2014 (572 pages)

Lu en 2014

le roman du mariageMon avisLe roman du mariage, c’est l’histoire d’un classique triangle amoureux, qui commence sur un campus américain et qui se poursuit un temps dans une sorte de période de transition entre la fin des études et l’entrée de plain-pied dans la « vraie vie ».
Années 80, deux hommes, une femme, trois possibilités. Mitchell est amoureux de Madeleine, qui est dingue de Leonard, lequel aime Madeleine. Logiquement, ces deux derniers sont en couple, et Mitchell noie son chagrin en se concentrant sur ses études de théologie et son projet de voyage en Inde.
Mais rien n’est jamais simple. Leonard est très intelligent et très populaire, mais il est maniaco-dépressif depuis des années. Et sa vie de couple s’en ressent, faite de hauts et de bas, comme son moral.
Madeleine, jeune bourgeoise coincée, romantique mais accrochée à ses principes (« je n’épouserai jamais un homme instable »), a compris que la vie n’est pas un roman de Jane Austen et a vu ses certitudes ébranlées, d’abord quand elle a finalement craqué pour Leonard, ensuite quand elle s’est rendue compte que la vie serait peut-être tellement plus simple, sans prises de tête, avec le doux et gentil Mitchell, son confident des moments difficiles. Mais Madeleine se sent investie d’une mission : aider Leo à guérir.
Ravalant sa déception mais gardant l’espoir de conquérir Madeleine, Mitchell part à Calcutta dans les traces de Mère Teresa, en quête d’un idéal spirituel.
Résumé comme ça, ce n’est pas forcément très séduisant. Et pourtant… Difficile de comprendre pourquoi, mais ce roman est captivant. Ce n’est pourtant pas un roman « facile », il fait même parfois dans l’érudition, en tout cas quand on n’est pas familier de Barthes, Deleuze, de la chimie des levures ou des traitements au lithium. le récit n’est pas chronologique, et les personnages ne sont même pas vraiment attachants, alors c’est sans doute le mélange d’humour, de finesse psychologique, de philosophie, de spiritualité et de culture littéraire qui rend ce roman si intéressant. On pense à Tom Wolfe (en moins hot) pour la description du microcosme universitaire US, et aux Corrections de Jonathan Franzen pour l’analyse fouillée des personnages et de leur quotidien.
Chronique du passage à l’âge adulte, portrait d’une époque et d’une certaine élite intellectuelle américaine, ce roman, plus que du mariage, parle surtout d’amour. Et quand c’est si bien écrit, peu importe que la raison ou les sentiments l’emportent, il ne faut pas s’en priver.

Présentation par l’éditeur: 

Une fille et deux garçons. Sur le campus de Brown comme ailleurs, il y en a un de trop. Madeleine aime le brillant Leonard et rêve déjà de leur futur radieux d’intellectuels talentueux. Mais Leonard est fragile, imprévisible, Madeleine est constamment sur le qui-vive. Avec Mitchell, le prétendant idéal, la vie serait simple ; pourtant Madeleine est réticente. Faut-il se marier par amour ?

Quelques citations:

– « Les compagnies pharmaceutiques s’y prenaient dans le mauvais sens. Au lieu de partir d’une maladie et de développer des médicaments pour la soigner, elles développaient des médicaments puis cherchaient à quoi ils pouvaient servir. »

– « Les féministes des universités se moquaient des gratte-ciel, dans lesquels elles voyaient des symboles phalliques. Elles disaient la même chose des fusées spatiales, alors qu’il était évident, en y réfléchissant un peu, que la forme de celles-ci était due non pas au phallocentrisme mais aux lois de l’aérodynamique. Un vaisseau Apollo en forme de vagin serait-il arrivé sur la lune? C’était l’évolution qui avait créé le pénis. Il s’agissait d’une structure utile pour remplir certaines fonctions. (…) Mais non: n’importe quelle réalisation de quelque ampleur – un long roman, une grande statue, un bâtiment imposant – devenait, aux yeux des « femmes » que Mitchell connaissait à la fac, des manifestations de l’insécurité des hommes quant à la taille de leur pénis. »

– « Lire un roman après avoir lu de la théorie sémiotique était comme courir les mains vides après avoir couru avec des haltères. En sortant de Sémiotique 211, Madeleine se précipitait à la Rockefeller Library, au niveau B, où les rayons exhalaient une vivifiante odeur de moisi, et elle prenait un livre – n’importe lequel, Chez les heureux du monde, Daniel Deronda – pour recouvrer sa santé mentale. Quel plaisir quand une phrase découlait logiquement de la précédente! Quel délicieux sentiment de culpabilité de se plonger dans un récit narratif! »

Evaluation :

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