mardi , 19 mars 2024

Traducteurs afghans

Auteurs: Brice Andlauer et Quentin Müller (dessin: Pierre Thyss)

Editeur: La Boîte à Bulles – 2020 (120 pages)

Lu en septembre 2020

Mon avis: Après le 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont déclenché une guerre en Afghanistan contre le régime taliban, suspecté de soutenir Ben Laden, le cerveau des attentats. Les Américains ne sont pas les seuls à débarquer dans le pays, mais s’appuient sur une coalition internationale, dont la France fait partie. Sur place, l’armée française a besoin de traducteurs et embauche donc des dizaines de « tarjuman » (« traducteur », en langue dari), ainsi que des chauffeurs, des cuisiniers et d’autres petites mains pour la logistique et la manutention. Ces Afghans, qui deviendront parfois de vrais soldats, s’engagent aux côtés des troupes alliées par conviction, contre le régime taliban, dans l’espoir de contribuer à un avenir meilleur pour leur pays. Quitte à se faire mal voir des intégristes.

A partir de 2012, la France se retire progressivement de la coalition et d’Afghanistan. Peu embarrassée de loyauté, elle abandonne sur place les autochtones qui l’ont aidée, sans se préoccuper de leur sécurité. Car ces tarjuman et leurs familles sont désormais potentiellement en danger de mort, considérés comme traîtres par les talibans et autres intégristes.

Ce roman (ou plutôt document) graphique fait suite à l’enquête sur place des deux auteurs, journalistes, et retrace le parcours de trois de ces tarjuman, depuis leur engagement auprès de l’armée française jusqu’au dédale politico-administratif pour obtenir un visa et le statut de réfugié en France.

Il ne faut pas s’attendre à beaucoup d’originalité dans le style ou la forme : on se contente de raconter sans chercher la belle phrase, c’est factuel et terre à terre. Le dessin aussi est sobre, en noir et blanc, pas particulièrement séduisant. On sent bien que l’intention des auteurs est de dénoncer l’attitude honteuse de la France, qui aura accordé des visas au compte-goutte, vis-à-vis de tous ceux qui lui ont pourtant rendu de précieux services en Afghanistan, parfois au péril de leur vie. On ressent aussi leur consternation et leur indignation (louable et nécessaire) face à cette trahison et ce scandale humanitaire. L’Histoire repasse les plats, ce ne sont pas les harkis qui diront le contraire.

Publié en février 2020, cet ouvrage est à nouveau cruellement d’actualité (mais pourquoi cela ne s’arrête-t-il jamais?), et ce qu’il dénonce ne se limite sans doute pas à la France.

Présentation par l’éditeur:

Abandonnés par la France, l’histoire des tarjuman (traducteur, en langue dari) vient réveiller un sentiment amer, en écho avec tous les supplétifs laissés sans protection dans l’histoire des guerres de notre pays.
En effet, la France a employé en Afghanistan quelques huit cents traducteurs, chauffeurs, physionomistes, manutentionnaires et logisticiens pour les épauler dans leurs missions. Colonne vertébrale de la stratégie visant à gagner les cœurs et les esprits, ils se sont mués en véritables soldats, engagés aux côtés de nos troupes par conviction, dans l’espoir d’un autre avenir pour leur pays. Mais, suite au retrait de nos forces à compter de 2012, la France a refusé d’accorder un visa à la majorité d’entre eux…
Tous deux intimement marqués par les précédentes « trahisons » françaises, deux journalistes, Brice Andlauer et Quentin Müller, ont décidé d’aller enquêter sur le terrain. Ils en sont revenus avec un livre dénonciateur, « Tarjuman, enquête sur une trahison française » (éditions Bayard).
Avec cette bande dessinée, ils veulent donner corps à trois des tarjuman qu’ils ont rencontrés et mettre en scène leur chemin de vie pour mieux dénoncer le refus qui a été initialement opposé à leur demande de protection.

Evaluation :

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