Auteur: Joseph Ponthus
Editeur: La Table Ronde – 2019 (272 pages)/Folio – 2020 (288 pages)
Grand Prix RTL Lire 2019
Lu en septembre 2024
Mon avis: Joseph Ponthus (1978-2021) a fait des études de littérature et a ensuite travaillé entre autres comme éducateur spécialisé pendant dix ans en banlieue parisienne. Puis il a tout lâché pour suivre son épouse en Bretagne. Là, il s’est inscrit dans une agence d’intérim et a été embauché comme ouvrier à la chaîne dans des abattoirs ou des conserveries de poisson. Un boulot alimentaire au cœur de l’industrie agro-alimentaire, parce qu’il faut bien gagner sa croûte…
Ce livre relate son expérience, dans un style particulier puisqu’il s’agit de poésie en prose, sans aucun signe de ponctuation.
Ce style original a pour effet de nous immerger (à la limite de la noyade parfois) dans le monde du travail à la chaîne (« à la ligne », en langue politiquement correcte), un monde oppressant, abîmant les corps et abrutissant les esprits à force de gestes répétitifs et pénibles, d’alternance de travail de jour et de nuit, de course à l’efficacité et à la rentabilité, de peur des lendemains sans embauche.
L’intérêt documentaire est indéniable, mais les conditions pénibles et précaires de ce type de boulot ne sont pas non plus le scoop du siècle.
Et la démarche et certaines réflexions de l’auteur me posent question :
– Avec ses qualifications, ne pouvait-il pas trouver un travail correspondant davantage à son profil ?
-Où se positionne-t-il ? Solidarité avec les collègues, ou condescendance et supériorité de l’intello qui sait qu’il a les capacités de s’extraire de cette condition de forçat ? En tous les cas, avec les références littéraires et culturelles qu’il étale, il montre clairement qu’il n’est pas comme eux.
– Le « parallèle avec la Grande Guerre – Nous petits troufions de l’usine – Attendant de remonter au front (…) De vagues engagés volontaires dans une guerre contre la machine – Perdue d’avance certes – Mais qui rapporte au moins une solde mensuelle » me semble assez douteux.
– L’utilisation du terme « mongolitos », pour parler des participants au camp de vacances qu’il anime chaque été en tant qu’éducateur spécialisé, m’a dérangée.
Au final, j’ai trouvé le ton globalement déplaisant, et je reste avec l’impression que ce texte relève plus de l’exercice de style que du témoignage de l’intérieur et empathique sur la condition ouvrière.
Présentation par l’éditeur:
À la ligne est le premier roman de Joseph Ponthus. C’est l’histoire d’un ouvrier intérimaire qui embauche dans les conserveries de poissons et les abattoirs bretons. Jour après jour, il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail à la ligne, le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans la répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps. Ce qui le sauve, c’est qu’il a eu une autre vie. Il connaît les auteurs latins, il a vibré avec Dumas, il sait les poèmes d’Apollinaire et les chansons de Trenet. C’est sa victoire provisoire contre tout ce qui fait mal, tout ce qui aliène. Et, en allant à la ligne, on trouvera dans les blancs du texte la femme aimée, le bonheur dominical, le chien Pok Pok, l’odeur de la mer.
Par la magie d’une écriture tour à tour distanciée, coléreuse, drôle, fraternelle, la vie ouvrière devient une odyssée où Ulysse combat des carcasses de boeufs et des tonnes de bulots comme autant de cyclopes.